A la mémoire
C'est avec beaucoup de tristesse que je dois vous faire part de la disparition de mon ami Charles Davis. Il est décédé paisiblement, le 22 juillet 2021. N'oublions jamais ce que ce monsieur a fait pour nous. Repose en paix Charles.
Un tout grand merci à Gregory de Cock pour avoir partagé avec moi son travail.
De l’enfant de Pittsburgh au technicien de Camp Forrest
Charles Hughes Davis et son frère jumeau Albert Melville Davis naquirent à Pittsburgh, Pennsylvanie, le 17 novembre 1924. Ils passèrent leur enfance et leur adolescence à Mount Lebanon, Allegheny County, Pennsylvania, jusqu’à leur appel sous les drapeaux le 3 avril 1943, alors âgés de dix-huit ans.
« Une fois l’enveloppe ouverte, j’ai immédiatement pensé à la publicité de recrutement mettant en scène l’Oncle Sam dans son costume rayé tricolore, doigt tendu vers l’avant, incitant les hommes à s’enrôler. J’ai eu un moment de doute et j’aurais plutôt voulu lui envoyer une réponse en lui demandant quelle était sa seconde opinion !? »
Afin qu’ils ne soient pas séparés et puissent veiller l’un sur l’autre, leur père introduisit une demande auprès du sénateur de Pennsylvanie pour qu’ils puissent servir ensemble. Bien que les autorités militaires ne furent pas favorables à cette pratique, la requête aboutit. Charles reçut le matricule 33676796 et Albert le matricule 33979765. Ils étaient alors des citoyens Américains de race blanche, célibataire sans dépendant, ayant achevé quatre années de collège en 1942. Dès ce moment, l’histoire et le vécu de l’un allaient être presque identiques à ceux de l’autre. Quelques jours après leur intégration dans l’armée, ils arrivèrent à Camp Mackall, près de Hoffman, North Carolina, où la 17th Airborne Division (17thAD) venait d’être activée le 15 avril. Bien que constitué de baraquements sommaires faits de bois et de papier cartonné et goudronné, le camp comportait toutefois plusieurs commodités culturelles et sportives.
Grâce à leurs bons résultats aux tests d’intelligence passés lors du processus d’intégration, les deux Private furent assignés à la 517th Airborne Signal Company (517ASC) de la 17th AD, unité commandée par le Major P Ahem. Du fait de sa spécificité, la compagnie entretenait des liens étroits avec le Quartier Général du Général William Maynadier Miley, en assurant le relais des communications entre ce dernier et les multiples éléments de la division. Son parc automobile se composait essentiellement de jeeps, de fourgonnettes, de camions et de remorques destinées à transporter les hommes et l’ensemble du matériel technique.
« Nous officions tous deux au sein de la Message Center Section, haut lieu du codage-décodage et de la transmission des messages sous leurs diverses formes. Nous étions un élément essentiel pour le bon fonctionnement des unités, c’est pourquoi nous étions toujours à proximité du QG, prêts à relayer une information ou un ordre autant interne qu’externe à notre division. »
Après leur entraînement d’infanterie de base et leur formation de spécialistes en communication, les frères obtinrent le brevet planeur à la fin décembre 1943, à l’issue de l’entrainement adapté. De par leur fonction technique, ils furent rapidement promus aux grades successifs de Private First Class et de Technician 5th Grade.
En mars 1944, la division quitta Camp Mackall pendant plusieurs semaines pour participer à de grandes manœuvres d’entrainement dans le Tennessee, en présence d’autres unités de l’armée. L’objectif fut de simuler une mission opérationnelle, de tester et d’améliorer les capacités de chaque élément impliqué.
Le 27 mars 1944, après ce déploiement à grande échelle, la 17th AD s’installa à Camp Forrest, près de Tullahoma, Tennessee, pour poursuivre son entrainement. Les installations y furent bien plus confortables et plus variées que celles précédemment rencontrées ; pouvoir loger dans des bâtiments de meilleure fabrication améliora sensiblement les conditions de vie des soldats. En juin 1944, lorsque Miley décida d’organiser une Jump School propre à sa division pour donner aux titulaires du brevet planeur l’occasion d’être également qualifiés parachutistes. Albert, contrairement à Charles, se porta volontaire et obtint ce deuxième brevet. Comme d’autres unités, la 517ASC comportait ainsi un mélange d’hommes titulaires d’un ou deux brevets caractéristiques aux troupes aéroportées. Toujours à Camp Forrest, les jumeaux passèrent au rang de Technician 4th Grade, grade justifié par la technicité et la spécificité de leur fonction. A cette occasion, Charles devint Chief Message Center, le sous-officier en charge de la gestion quotidienne du centre, ce qui représentait une grosse responsabilité.
Le 11 août 1944, la 17th Airborne se prépara à son imminent transfert vers l’Europe, provoquant la suppression des permissions.
« Conscient de la signification de cet ordre, Albert décida de déserter pendant quelques jours pour revoir ses parents. Sans succès, j’ai tenté de le convaincre de ne pas s’absenter. Le First Lieutenant David O Jesberg remarqua que mon frère manquait à l’appel et m’interrogea alors longtemps. Finalement, il revint à la compagnie et écopa d’une triple sanction : dégradation au rang de Private, perte de sa prime de parachutiste et mutation à la Wire Section. Cette section était chargée de poser et d’entretenir des fils téléphoniques reliant les unités de la division et de transporter les bobines. En situation de combat, cette tâche s’avérait dangereuse, car exposée au feu de l’ennemi. »
Les deux frères aboutirent ainsi au Camp Miles Standish, à Taunton, Massachussetts, dernière étape avant d’effectuer le voyage outre-mer qui commença le 20 août au port d’embarquement de Boston, Massachussetts.
Charles nous montre une photo de lui et son frère prise en 1943 aux Etats-Unis. Ils sont tous deux gradés Technician 4th Grades.
Puis vint l’Europe
Après la traversée de l’Océan atlantique vers Liverpool, Royaume Uni, et un transfert ferroviaire vers le sud, Charles et Albert arrivèrent le 30 août 1944 à Camp Chiseldon, près de Swindon, Wiltshire, où s’établit également le QG de Miley. Tous deux y complétèrent leur équipement individuel, dont une carabine M1A1 à crosse pliante de calibre.30 . Leur parcours connut un tournant lorsque Charles devint conducteur d’une jeep et Albert conducteur d’un pick-up. Dès lors, ils participèrent au transport de l’équipement spécialisé, souvent très lourd et encombrant. En prévision de l’opération aéroportée Market-Garden, qui allait avoir lieu aux Pays-Bas à partir du 17 septembre, la 17th Airborne se tint en réserve des 82nd et 101st Airborne, prête à intervenir en cas de besoin. La mauvaise tournure des évènements poussa le haut commandement allié à ne pas engager la division, évitant ainsi des pertes inutiles. Cette dernière fut rattachée au XVIII Airborne Corps, First Airborne Army, sous le commandement du Lieutenant General Lewis H Brereton. Au cours de son séjour à Chiseldon, Charles Davis se vit attribuer le grade de Technician 3rd Grade. Continuellement, les entrainements diurnes ou nocturnes se succédèrent pour maintenir les hommes en bonnes condition physique et entretenir leurs connaissances.
« Malgré le fait qu’Albert faisait maintenant partie d’une autre équipe, nous avons eu de nombreuses occasions de nous retrouver pour partager des moments de répit et quelques permissions à Londres. »
Suite à l’attaque allemande lancée dans les Ardennes belges le 16 décembre, la 17th Airborne fut rapidement mise en état d’alerte pour faire mouvement vers le continent. En l’espace de quelques jours et tenant compte de la météo, les hommes furent acheminés par avion et camions ou par bateau et par train vers le camp de Mourmelon-le-Grand, près de Reims, Marne, France. Ceux qui partirent en C-47 décollèrent de l’aérodrome de Chibolton, Wiltshire, et atterrirent sur un aérodrome à proximité de Mourmelon. Les véhicules, les équipements collectifs et lourds de la 517 ASC suivirent par la voie maritime et ferroviaire quelques jours plus tard, via le port du Havre. La division passa Noël à Mourmelon dans une atmosphère lourde, alors que la neige commença à tomber et les températures devinrent négatives. Pour empêcher une éventuelle expansion de la percée ennemie au-delà de la frontière belge, la division reçut comme mission de défendre la rive gauche de la Meuse, entre Givet et Verdun. Dès le 28 décembre, la compagnie de Charles prit ses quartiers à Charleville-Mézières, Ardennes, jusqu’au 1er janvier 1945 lorsqu’elle s’apprêta à faire mouvement. Le lendemain à 10 heures, elle reprit sa route vers le nord, à destination de Neufchâteau, Luxembourg, Belgique, où elle arriva à 15 heures 35. Le convoi marqua une courte pause de septante minutes, avant d’atteindre un bois proche et d’y bivouaquer pour la nuit. Désormais, elle opérait sous les ordres du VIII Army Corps du Major General Troy H. Middleton, incorporé à la 3rd Army du Lieutenant General George S Patton.
D’un petit village ardennais aux portes du Reich
Le 3 janvier 1945, les moteurs se remirent en marche à 10 heures 30 pour rejoindre Morhet, à environ 15 kilomètres au sud-ouest de Bastogne, où le QG divisionnaire s’installa dans le presbytère jouxtant l’église. Les véhicules et les remorques transportant l’état-major et la 517 ASC furent parqués dans les prairies en face de l’édifice. Sous la direction du T/3 Charles Davis, le Message Center entra rapidement en action à proximité. Quant à Albert, il s’affaira immédiatement à poser les fils téléphoniques pour établir le contact avec les unités qui s’apprêtaient à combattre sur le front, distant de quelques kilomètres, entre Houmont et Mande-Saint-Etienne, face aux éléments blindés de la 5. Panzer Armee.
« Lorsque nous arrivâmes à Morhet, nos gars commencèrent à poser et enterrer les fils. L’un d’eux creusa le long de la haie séparant le jardin du presbytère et le cimetière lorsque sa pelle provoqua un bruit de verre. Il venait de trouver des bouteilles de vin probablement cachées par le curé pour qu’elles ne subissent pas un mauvais sort en son absence. Ce sort ne fut pas mauvais pour tout le monde ! »
Bien que Charles jouissait de bien meilleures conditions et d’un danger moindre que les troupes de combat, il ne put qu’endurer la dureté de l’hiver, son froid intense, sa neige épaisse et son vent glacial. Le fait d’opérer à l’intérieur d’un bâtiment fit de lui un privilégié. Les précédents combats avaient laissé des traces visibles, plusieurs constructions étaient détruites ou incendiées et des véhicules abandonnés ou endommagés jonchaient les rues et les champs. Depuis ce jour, la 17th Airborne releva la 11th Armored qui opérait dans la région depuis quelques jours. Sa mission consistait à attaquer depuis l’ouest de Bastogne et à progresser en direction du nord, afin de faire la jonction avec la 1st Army du Lieutenant General Omar N Bradley qui elle descendait vers le sud.
La nuit suffit à la compagnie pour installer son matériel et établir un réseau radiotéléphonique fonctionnel avec les autres unités pour qui c’était le baptême du feu depuis l’aube. L’écho des canons du VIII Army Corps pilonnant le front depuis l’arrière résonna dans le village, mais pas un seul obus allemand n’y tomba. Dès lors, les hommes de la compagnie assurèrent sans relâche la gestion des communications ainsi que l’entretien des lignes téléphoniques et des divers appareils. Afin de pouvoir assurer ses missions, la 517 ASC fut morcelée au sein de la division, car la présence de ses spécialistes se révéla nécessaire partout pour intervenir en cas de besoin. Les communications constituèrent l’élément stratégique essentiel à chaque unité pour qu’elle puisse se coordonner, se situer et échanger des informations avec ses semblables.
Depuis le départ de Mourmelon, les conditions hivernales s’étaient empirées, compliquant grandement le déroulement des opérations. Au fil des jours, le brouillard épais, le froid intense, le gel et une épaisse couche de neige atteignant les genoux et parfois la taille minaient le moral des soldats.
« Nous n’étions pas vraiment équipés contre le froid et nous n’avions pas de vêtement en laine, pour ne pas dire rien. Plusieurs soldats eurent les pieds gelés dès les premières actions. Ma présence dans le Message Center m’évita de connaître pareil sort. »
Le 15 janvier à 14 heures 30, après deux semaines passés à Morhet, la compagnie se mit en route pour rejoindre le villagde Wigny où elle s’installa juste avant l’obscurité, à 16 heures 10. A nouveau, un réseau de communication fut immédiatement mis en œuvre. De là, peu après, seul un élément de reconnaissance partit pour rejoindre à 21h50 le QG désormais établi dans le Château Celly, près du village de Lavacherie, localité alors loin à l’arrière de la ligne de front. Le 17 janvier 1945, pour rester au contact de sa division, Miley déplaça son poste de commandement à Bertogne, puis à Compogne deux jours plus tard. Ces deux villages jalonnaient la route d’Houffalize, l’axe de repli des troupes allemandes vers le nord-est. Bien que suivant à l’arrière des unités de combat, la 517ASC ne fut jamais loin de l’endroit où s’installa le QG : dans le château du village de Tavigny le 22 janvier et à Steinbach le 24 janvier. Le 26 janvier 1945, la division s’empara de Wattermal et d’Espeler avant de continuer à repousser les Allemands à travers le nord du Grand-Duché de Luxembourg. Dès ce jour, la 17th Airborne passa sous le contrôle du III Army Corps du Major General John Millikin, toujours au sein de la 3rd Army. Le lendemain, Charles et Albert Davis s’installèrent à Eschweiler, devenu le nouveau centre névralgique de la division.
Le 29 janvier 1945, la compagnie quitta Eschweiler à 7 heures 50 en direction de Drauffelt, situé sept kilomètres au nord, pour s’y établir 75 minutes plus tard. Trois kilomètres et demi au sud, à Enscherange, se trouvait le QG divisionnaire qui s’était rapproché du front établi dans la vallée entre Dasburg et Übereisenbach, le long de la rivière Our, frontière naturelle avec l’Allemagne. Drauffelt fut le lieu de séjour des frères jumeaux jusqu’au 10 février, lorsque la 6th Armored Division releva la 17th Airborne jusqu’alors en action depuis deux semaines environ. Ce choix stratégique fut dicté dès le 6 février par la décision du Haut Quartier Général allié, de réaliser une opération aéroportée majeure au printemps, dénommée Operation Varsity. Le retrait s’effectua par des petits éléments à partir du 8 février à 9 heures 45, permettant ainsi à un premier détachement de préparer l’arrivée du reste de la compagnie au cantonnement prévu. Pendant trois jours, de petits groupes d’hommes et de véhicules quittèrent le Grand-Duché, ne laissant sur place qu’une arrière-garde chargée d’assurer les transmissions les plus essentielles.
Le 12 février, à l’image de la division, la compagnie de Charles fut à nouveau entièrement rassemblée et placés en repos à Châlon-sur-Marne, Marne, France, pour se réorganiser et se rééquiper. Ce changement d’environnement ne dispensa pas l’unité d’assurer le besoin en communication, même loin des combats ! Alors que l’état-major et les troupes spéciales occupaient la caserne Forgeot, les grosses unités séjournaient sous tentes, dans les champs en périphérie de la ville. Pour la seconde fois de son existence, la 17th Airborne passa sous le commandement du XVIII Airborne Corps. De ces six semaines d’action ininterrompue, Charles se souvient bien plus des très difficiles conditions hivernales que de la menace ennemies. Toutefois l’artillerie allemande ne lui laissa pas de bon souvenir, car elle représentait un danger constant.
« Mon uniforme se composait des pièces élémentaires comme le casque, les bottines à double boucles, la veste et notre pantalon à larges poches. A vrai dire, nous n’avions pas beaucoup d’effets en laine ou adapté à l’hiver. Quant à mon équipement, en plus du matériel qu’emportait chaque soldat, je portais ma carabine à crosse pliante et des petits appareils utiles au Message Center., par exemple une machine à coder et à décoder les messages. Aussi ma jeep et sa remorque débordaient d’équipement de communication divers pour assurer notre mission. »
Au-delà de tous les souvenir pénibles qu’engendra la Bataille des Ardennes, c’est presque l’insouciance qui résuma la manière dont Charles la vécut :
« Ce fut une rude bataille, le dernier coup d’Hitler. Mais lorsque vous avez cet âge, vous pensez que rien ne peut vous arriver. »
L’Allemagne en point de mire
Après une courte période de repos et de relaxation, les hommes de la 517ASC entreprirent la préparation détaillée de l’opération Varsity, prévue initialement au début avril 1945 sur la rive est du Rhin, à proximité de Wesel et Hamminkeln. Il s’agissait de la partie la plus septentrionale de la zone d’action attribuée à la 17th Airborne, en contact avec la 6th British Airborne. Elle était délimitée par la voie ferrée Emmerich-Wesel à l’ouest, par la Diesfordter Strasse au nord et par la voie ferrée Hamminkeln-Wesel à l’est. L’endroit allait accueillir les planeurs transportant le 139th Airborne Engineer Battalion (139 AEB), la 224th Airborne Medical Company. (224AMC) et les troupes spéciales de la 17th Airborne. Parmi elle, figurait la 517 ASC et la seconde partie de l’état-major divisionnaire. Ces unités arrivèrent parmi les dernières séries de planeurs impliqués dans l’opération, afin de limiter leurs pertes lors des premières minutes de combat. Les appareils attribués à la 517ASC provenaient des 441st et 442th Troop Carrier Group (441-442 TCG), 50th Wing, IX Troop Carrier Command, 9th Army Air Force. Certains hommes de la compagnie allaient atterrir en planeurs et d’autres, répartis en petits groupes, devaient sauter en parachute mêlés aux unités de combat, afin d’assurer entre elles les communications au cours des premières heures de l’opération.
Le 442TCG, formé de 48 avions de transport C-47 tirant chacun un planeur CG4A, constitua le Serial A-19. Il devait décoller de l’aérodrome britannique B24 situé à Saint-André-de-l’Eure, Eure, France et allait transporter une partie de l’artillerie divisionnaire ainsi que la première partie de la 517 ASC. Afin d’aider les pilotes à se regrouper plus facilement lors de la phase d’atterrissage, le dos de ses planeurs était marqué d’un X tracé à la peinture blanche. Les 28 planeurs assignés à la compagnie portèrent un numéro de 21 à 48 tracé à la craie sur les flancs. Le 441 TCG, lui aussi formé de 48 avions et 48 planeurs, constituait le Serial A-20 qui devait décoller de l’aérodrome américain A40 situé à Dreux, Eure-et-Loir, France. Il allait transporter une partie de la 224AMC et la dernière partie de la 517ASC. Les 6 planeurs attribués à celle-ci portèrent un numéro de 1 à 6 et leur dos présentait un T. Cette deuxième série suivrait la première à 7 minutes d’intervalle. 32 planeurs furent donc nécessaires pour amener au combat les éléments aéroportés mais non-parachutés de la compagnie de transmission.
Le 23 février, Miley avertit la 517ASC de sa prochaine participation à l’opération, marquant ainsi le point de départ de ses préparatifs techniques et logistiques. Du personnel supplémentaire vint grossir les rangs existants, conformément à la dernière modification des tables d’organisation et d’équipement des unités aéroportées. A la même période, la progression rapide des troupes alliées en Allemagne anticipa la date de Varsity au 24 mars 1945. Du 1er au 17 mars, sous l’autorité de Jesberg devenus Captain, la compagnie simula diverses situations à reproduire au combat. Aussi plusieurs rencontres eurent lieu avec la 6th British Airborne Division, le XVIII Airborne Corps et la Second British Army pour coordonner les fréquences radio et définir les moyens de cryptage et d’identification entre alliés.
Les hommes débutèrent le conditionnement de leur matériel individuel et collectif le lundi 19 mars 1945, en vue de leur transport par air et par terre. Les véhicules, l’armement et les appareils de communication reçurent une dernière vérification d’usage. Pas moins de quatre groupements durent être constitués pour mener à bien l’acheminement de la compagnie en Allemagne ! En matinée, la Communication Section, sous la direction du Lieutenant John E Shem, se mit en route vers la rive ouest du Rhin pour y établir un réseau de communication préliminaire à l’arrivée des éléments aéroportés de la compagnie sur l’autre rive. Le lendemain, le reste de la compagnie quitta Châlon à 12h30 pour atteindre l’aérodrome B-24, l’un des douze attribués à la 17th Airborne. Le trajet se fit à bords des jeeps tirant leurs remorques, au volant de l’une d’elle figurait le T/3 Charles Davis. 6 heures plus tard, le personnel qui ne put trouver une place à bord embarqua vers la même destination dans des wagons de chemin de fer. Simultanément, des équipes de techniciens brevetés parachutistes partirent rejoindre les troupes de combats sur leur aérodrome respectif, pour former le quatrième élément d’intervention.
Le 21 mars, les véhicules lourds de la compagnie, eux aussi surchargés d’équipements techniques partirent pour l’Allemagne, sous les ordres du Lieutenant Lowell W McCrary. Parmi les pick-up figurait celui conduit par Albert Davis, récemment promu au grade de Private First Class. Les jeeps parties la veille arrivèrent à Saint-André-de-l’Eure en fin de matinée, suivie à 16 heures par les troupes amenées par train. En route, une partie du personnel, destiné à six planeurs, monta à bord d’un autre train qui les emmena à l’aérodrome américain A-41, non loin de Dreux. Au même moment, à plusieurs centaines de kilomètres de là, la Communication Section arriva près du Rhin et se mit à l’œuvre. Le lendemain, les hommes stationnés sur les deux aérodromes étudièrent les cartes, les photographies aériennes et autres maquettes illustrant leur zone d’atterrissage. Ils logèrent sous tente et profitèrent de quelques activités de détente sportive et culturelle.
Le vendredi 23 mars 1945, la colonne de véhicules lourds renforça le dispositif déjà présent sur la rive ouest, augmentant encore le potentiel de la 517ASC. Le réseau de communication divisionnaire de l’arrière fut opérationnel le même jour, en prévision de sa connexion, le lendemain, avec le QG et les unités présents sur le futur front. Cette préparation représentait un réel défi, car il fallait mettre en contact une force terrestre préliminaire et une force aéroportée opérant plusieurs kilomètres derrière les lignes ennemies, et, de surcroit, au-delà d’un large fleuve ! Les éléments aéroportés passèrent la journée à charger les planeurs et préparer le vol avant d’assister à un briefing général donné par le Major Ahem et les Captains Hancock et Jesberg.
24 mars 1945, le grand jour :
Afin de procéder à la dernière vérification du matériel embarqué, la journée du 24 mars débuta aux aurores pour la 517ASC. A 8 heures, les hommes marchèrent jusqu’à leurs planeurs et y prirent place, ce dont Charles se souvient :
« Le 24 mars 1945, au matin, accompagné de trois camarades, j’ai embarqué à bord du planeur dans lequel j’avais arrimé la veille la jeep que je conduisais. J’étais le plus gradé d’entre nous. Le véhicule transportait de nombreux équipements dont mon unité avait directement besoin pour mener à bien ses missions. Je ne fus pas le seul à atterrir avec une jeep et certains d’entre nous avaient fait le voyage en compagnie d’une remorque elle aussi chargée d’équipement. Mon bon sens m’avait poussé à ne pas m’asseoir au volant lors du vol, cela représentait un grand danger. Je me sentais plus en sécurité assis dans le planeur que dans la jeep. En pratique, ma compagnie possédait plus de cinquante véhicules, mais seules certaines jeeps et leurs petites remorques prirent la voie des airs. Les engins plus lourds étaient déjà sur les berges du Rhin et attendaient le moment opportun pour nous rejoindre. »
Les appareils décollèrent à 9 heures 15 et entamèrent un vol peu influencé par les conditions météorologiques. Pendant les premières nonante minutes, le vent parfois soutenu provoqua des secousses, mais n’entraina aucun retard, puis se calma à l’approche du Rhin. La brume rencontrée entre la Meuse et le Rhin s’amplifia au-dessus de l’objectif à cause des tirs, des explosions et des incendies montant du sol. Dès leur passage au-dessus du fleuve à 11 heures 55, les planeurs de la 517ASC furent accueillis par des armes légères et de l’artillerie antiaérienne installées dans des positions préparées, structurées s’explique par le fait que les services de renseignements allemands avaient pris connaissance de l’assaut allié depuis le 10 mars. Au même moment, le 139AEB atterrit dans la partie nord de la LZ-N et fit face à une résistance allemande retranchée dans les replis du terrain et les bâtiments des alentours. Cette opposition résulta de l’éparpillement du 513th Parachute Infantry Regiment (PIR) qui aurait dû sécuriser cette région une heure avant l’arrivée des planeurs. Dans la partie sud, les parachutistes eurent moins de mal à prendre le terrain après s’être rassemblés sur la Drop Zone X, située un peu plus au sud.
A 12h10, l’atterrissage des planeurs transportant Charles et ses camarades fut précis malgré les tirs venant du sol. A l’exception de quelques-uns qui atterrirent à quelques centaines de mètres trop au nord, ils se posèrent sur la zone prévue.
« Pris dans le souffle des explosions et soumis aux éclats d’obus, le planeur faisait un bruit d’enfer, à tel point que je croyais qu’il allai se désintégrer en vol. Nous avons été touchés par des tirs de mitrailleuse ou d’artillerie antiaérienne, car j’entendais des bouts de métal rebondirent sous la jeep ! Lors de l’approche finale, le pilote laissa échapper un juron avant que l’appareil ne touche le sol, ne passe un fossé et ne perde une aile en heurtant un arbre. Dès que notre planeur s’immobilisa, nous nous sommes précipités pour sortir la jeep et quitter les lieux. »
D’autres ne réussirent pas aussi bien, la compagnie perdit deux jeeps, une remorque et leur équipement. De même, à peine posés, deux planeurs attirèrent le feu ennemi et prirent feu, entrainant la mort de deux techniciens et de deux pilotes.
A la sortie des planeurs, les hommes des unités spéciales ignoraient où se trouvaient exactement leurs camarades, car ils furent éparpillés sur la LZ-N et durent d’abord se regrouper en squads et en platoons. Parmi eux figurait la seconde partie de l’état-major divisionnaire, placée sous les ordres du Colonel Willard K Liebel. La confusion et l’effet de masse tournèrent à l’avantage des assaillants qui submergèrent rapidement les défenseurs allemands. Heureusement pour les hommes de la 517ASC, leur position n’était pas éloignée de l’endroit où devait s’établir le QG divisionnaire principal. Ils profitèrent des bois longeant la voie ferrée pour s’abriter des tireurs embusqués, des tirs de mitrailleuses et de mortiers qui ralentirent leur progression vers le point de rassemblement. Il ne fallut qu’environ 45 minutes pour que les techniciens puissent regrouper l’essentiel de leur force sous le commandement d’Ahem, Hancock et Jesberg. En chemin, ils croisèrent des parachutistes britanniques de la 6th British Airborne Division qui, eux aussi, connurent des atterrissages aléatoires. Pour peu et par méprise, des tirs amis survinrent, car, à distance, le casque des Britanniques ressemblait à celui des Allemands. Les premières minutes de Charles en Allemagne restèrent gravées dans sa mémoire :
« Lorsque je sortis du planeur avec ma jeep, j’ai remarqué un grand fossé longeant la voie ferrée que j’estimais de mémoire être celle reliant Wesel à Emmerich. Je me suis alors déplacé vers la gauche où je vis des soldats britanniques pris sous le feu d’un tireur ennemi caché dans une ferme proche. J’ai rampé jusqu’au bâtiment et, pour me sentir plus en sécurité, j’ai tiré plusieurs cartouches vers l’intérieur. Vu que ma zone d’atterrissage était limitée par deux voies ferrées et que le nord était attribué aux Britanniques, je me suis dirigé vers le sud afin de retrouver des gars de ma compagnie. Selon moi, je devais avoir touché terre à la limite nord de la zone, car j’ai croisé de nombreux parachutistes britanniques et plusieurs planeurs Horsa se mêlaient à nos Waco. A moins, que ce ne soit eux qui avaient atterri parmi nous, trop au sud de leur zone prévue ! »
Les hommes de la compagnie atteignirent l’endroit du QG principal à 16h30, commencèrent à creuser la position et y installèrent le matériel de communication. Ils furent alors à proximité de la voie ferrée Wesel-Emmerich, à l’est de l’étang dénommé Schwarzen Wasser, zone finalement sécurisée une heure plus tard. L’installation continua toute la nuit jusqu’à ce que le contact soit solidement établi avec le poste de commandement divisionnaire secondaire, installé de l’autre côté du Rhin. Déjà à 14h, une équipe de la Wire Section oeuvrant sur la rive ouest, avait réalisé une toute première liaison avec le front en posant un fil téléphonique sur les ruines du pont ferroviaire de Wesel détruit par les bombardements aériens précédent l’opération. Aux environs de 18h30, juste avant que la nuit ne tombe, le contact par fil fut établi avec les 513PIR et 194GIR, avant le tour de la 6th British Airborne Division à 20 heures. Le contact téléphonique avec le 507thPIR n’eut lieu que le lendemain, tout comme le renforcement des communications avec le QG secondaire. Vers 22h, l’ennemi tenta une contre-attaque qui échoua face à une défense américaine composée notamment de soldats de la 517ASC. En plus de leur tâche spécifique, ceux-ci effectuèrent en alternance plusieurs patrouilles de sécurité à proximité du QG principal, jusqu’au lendemain. La compréhension de l’action de la compagnie de Charles ne serait pas complète si l’on omettait de mentionner la présence de la première partie de l’état-major divisionnaire lors de Varsity. Accompagné d’une poignée de ses proches collaborateurs, le General Miley sauta à 10h02 avec le 507thPIR, première unité de a 17th AD à atterrir sur la DZ-W à l’orée sud de la forêt de Diesfordt. Cette douzaine d’hommes, incluant des techniciens de la 517ASC, constitua le premier élément de l’état-major à toucher terre. Quelques instants après avoir atterri et vaincu un point de résistance, ils établirent un QG temporaire dans un champ, du côté est du carrefour des Wald Strasse et Flürener Weg au nord du Flüren. Au cours des premières heures de l’assaut, les communications entre le QG temporaire et les unités de combat furent assurées par des postes radio émetteurs-récepteurs portatifs. Dès que les combats cessèrent, l’établissement du réseau téléphonique filaire dépendit de six équipes de cinq membres de la Wire Section qui avaient rejoint par planeurs les unités de combat au cœur de l’action. Chacune fut équipée d’une jeep contenant des enrouleurs de fil de grande capacité. Des appareils radio plus volumineux, également acheminés par planeurs, assurèrent ensuite les contacts avec la division britannique, la base de la division à Châlons, et le XVIII Airborne Corps. En milieu d’après-midi, conformément au plan prévu, et malgré la résistance allemande dans la forêt de Diesfordt, Miley déplaça son QG plus au et y retrouva l’autre partie de son état-major arrivée par planeurs.
L’indispensable soutien terrestre
Si l’on considéra le volet aéroporté de Varsity comme un succès, la logistique et l’approvisionnement en fut la clef de voûte, sans quoi elle aurait très vite connu l’échec. Pour la 17th Airborne, la gestion du volet terrestre incomba au Brigadier General John L Whitelaw, son commandant en second. Alors que les troupes de combat venaient d’arriver sur les aérodromes, les troupes de soutien quittèrent Châlons le 20 mars 1945 en direction de la Rhénanie du Nord. Le lendemain vers 4 heures du matin, elles atteignirent Bree, Belgique, après 400 kilomètres de route. Encadrés par la prévôté britannique, les véhicules chargés d’équipement circulèrent sur deux itinéraires distincts en un flot ininterrompu, même de nuit, imposant la discrétion des feux de black-out. Deux jours plus tard, après une dernière centaine de kilomètres, les véhicules rejoignirent progressivement une grande zone de rassemblement entre Issum et Kapellen, Allemagne, à une vingtaine de kilomètres à l’ouest du futur point de passage du fleuve. Ce délai servit à prioriser le transfert des véhicules et de l’approvisionnement vers la rive est en créant des lieux de stationnement et de stockage. Les premières traversées du Rhin par les camions amphibies transportant le matériel de la 517ASC commencèrent le Jour-J vers 17 heures et se révélèrent rapidement efficaces. En soirée, lorsque les premières barges et pontons motorisés le permirent, les véhicules de la division commencèrent à rejoindre leurs unités en zone de combat. Parmi les souvenirs de ces journées mouvementées, Charles Davis se rappelle également ce que fit son frère jumeau :
« Le 25 mars à midi, alors que les combats faisaient encore rage au loin et que l’ennemi nous menaçait toujours, mon frère et un camarade s’affairaient à renforcer le réseau de communication en posant des fils téléphoniques sur les ruines du pont ferroviaire de Wesel. A certains endroits, il dut escalader les pierres et jouer d’astuces pour suspendre ou soutenir les fils. L’après-midi, il remonta à bord de son pick-up chargé de divers équipements de transmission, traversa le fleuve et rejoignit notre compagnie. Il fut l’un des innombrables acteurs de l’immense et vitale organisation logistique qui participa à l’opération Varsity. »
Les derniers engins de la compagnie traversèrent le fleuve le 26 mars, immédiatement prêts à avancer vers le cœur de l’Allemagne.
Une course-poursuite vers l’est :
Outre le réapprovisionnement par voie terrestre le 25 mars 1945, le haut commandement avait également prévu le même jour un parachutage de matériel destiné à la 517ASC. Cette manœuvre ne connut pas le succès attendu, car elle eut lieu avant même que le personnel compétent ne puisse arriver en toute sécurité sur les lieux de collecte. De plus, les paquets furent largement dispersés puis ouverts par des troupes amies ou ennemies à la recherche de ravitaillement. Une grande partie de ce matériel spécialisé fut utilisée par les unités de combat et ne profita ainsi nullement au renforcement du stock de la compagnie de transmission.
Le lundi 26 mars 1945, après une seconde nuit passée à sécuriser les installations techniques et le QG, la compagnie se prépara à faire mouvement dans le sillage de la division qui débuta alors sa progression vers l’est. A partir de cette date, la combativité de l’ennemi faiblit rapidement. Le lendemain à 14h30, un détachement de la 517ASC partit pour Peddenberg, situé environ onze kilomètres à l’est, en vue d’y déplacer les moyens de communication nécessaires à l’arrivée de l’équipe de Miley une heure plus tard. La progression vers le cœur de l’Allemagne venait de commencer de manière rapide, la division étant littéralement aux trousses des Allemands qui refluaient à grande vitesse, ne laissant derrière eux que des poches de résistance destinées à ralentir l’avance des Américains épaulés par les blindés britanniques. Pendant les semaines qui suivirent, Charles et ses camarades répétèrent plusieurs fois l’installation et le déménagement de leur matériel selon une procédure bien rodée. Ils ne s’établirent jamais loin du poste de commandement du Général Miley. A aucun moment les communications entre les divers éléments de la division ne furent interrompues, ce qui constitua une prouesse technique vu le rapide enchaînement des évènements. Néanmoins, la menace de l’ennemi restait bien présente, car le jeudi 29 mars en début de matinée, le QG subit à deux reprises des tirs d’artillerie ennemie, mais ne connut aucun dommage. En fin d’après-midi, il se déplaça d’une dizaine de kilomètres vers la périphérie nord-est de Schermbeck. Quittant Peddenberg, le convoi de la compagnie de transmission subit l’attaque d’un avion ennemi qui ne causa pas de perte. Le jour suivant, à 16h30, l’unité s’installa à Haltern mais, en chemin, dut faire face à une escarmouche allemande provenant de l’autre rive du cours d’eau qu’elle longeait à sa droite. En plus des tirs d’armes légères, quelques obus de mortier ou d’artillerie tombèrent à proximité et maintinrent les hommes en haleine.
Le samedi 31 mars 1945, la division passa sous le commandement du XIII Army Corps (Lieutenant General Alvan C Gillem Jr.), élément de la 9th Army (Lieutenant General William H. Simpson). Ce jour-là, la compagnie fit face à la même situation que la veille. Une patrouille équipée d’un bazooka et d’armes individuelles traversa le cours d’eau et, au prix d’un homme blessé, délogea des tireurs cachés dans les maisons. Preuve supplémentaire de la tension ambiante, les véhicules durent être déplacés peu après 21 heures, suite à l’explosion d’un obus à quelques mètres de leur lieu de stationnement.
« Ce fut très probablement ce jour-là que mon frère Albert secourut un camarade blessé. Il le repéra sur la rive opposée et, bien que sous le feu ennemi, n’hésita pas à plonger et à nager pour aller le secourir. N’écoutant que son courage, il trouva une petite embarcation et ramena le soldat. Cette action lui valut l’attribution d’une Bronze Star Medal avec mention pour valeur, mais Albert resta toutefois modeste quant aux dangers auxquels il avait fait face. »
Le lendemain midi, la menace constante de l’artillerie ennemie provenant de l’autre côté du cours d’eau prit fin grâce à l’intervention de l’artillerie alliée. Les tirs sporadiques n’empêchèrent cependant pas le départ à 9 heures d’une équipe technique à destination de Dülmen, rejointe vers 15h30 par le reste de la compagnie. Pendant deux jours et deux nuits, les hommes séjournèrent dans des bâtiments réquisitionnés, alors que les 513PIR et 194GIR s’apprêtaient à s’emparer de la ville de Münster. Le mardi 3 avril 1945, la compagnie atteignit Appelhülsen à 15h et attendit là jusqu’au lendemain pour pouvoir entrer dans Münster, une fois définitivement sécurisée.
Au cours des journées qui suivirent, la 17th Airborne opéra un changement de cap vers le sud-ouest et le bassin sidérurgique de la Rhur. Toujours fidèle, la 517ASC se déplaça conjointement au QG de Miley. Elle traversa ainsi Marxloh le 6 avril, Bottrop le 8 avril, Essen le 10 avril, puis revint à MarXloh le 21 avriloù elle resta jusqu’à la mi-juin suivante. La division assura un rôle de gouvernement militaire à partir du 12 avril, 6 jours avant qu’elle ne tire son dernier coup de feu officiel au combat. Du 6 au 26 avril 1945, la division dépendit du XVI Army Corps (Major General John B Anderson), toujours au sein de la 9th Army, avant de passer sous l’autorité du XXII Army Corps (Major General Ernest N Harmon), composante de la Fifteenth Army (Lieutenant General Leonard T Gerow.)
Tout au cours de la période d’occupation en Allemagn, Charles, Albert et leurs camarades s’occupèrent du mieux qu’ils purent pour éviter l’ennui. Ils participèrent à la dénazification de la population, à la traque des fanatiques, aux soins donnés aux personnes déplacées et aux prisonniers de guerre, ainsi qu’à la récupération du matériel militaire abandonné. Toutefois, lors de leurs nombreux temps libres, ils purent profiter de compétitions sportives, de séances de cinéma, des bars et autres foyers du soldat organisés par les autorités militaires alliées.
Vittel puis Berlin
A partir du 15 juin 1945, l’état-major divisionnaire et les troupes spéciales quittèrent la vallée de la Ruhr pour s’établir à Vittel, Vosges, France. Le reste de la division stationna dans d’autres villes de l’est français. Le voyage de la 517ASC se fit par route et par chemin de fer, à travers l’Allemagne et la France. Avant l’arrivée des troupes aéroportées, la ville fut le centre de repos de la 7th Army. Les hommes y trouvèrent ainsi toutes les commodités pour se détendre et passer agréablement le temps. Les hôtels de cette ville de renommée thermale avaient déjà été transformé en lieux de séjour pour les soldats en convalescence ou au repos, le Grand Hôtel fit notamment l’objet d’une attention toute particulière. Précédemment utilisé comme hôpital militaire, in devint un pôle de loisirs. On y organisa de nombreuses activités sociales, culturelles et pédagogiques : un bar à soda et un bar à bière garni tous deux de fauteuils et de tables, un foyer American Red Cross, une bibliothèque un théâtre, deux salles de cinéma et des salles de cours. De toutes les implantations de la division lors de son séjour estival en France, Vittel constitua indubitablement l’endroit le plus luxueux. Le 14 juillet 1945, pour célébrer la fête national française, la 17th Airborne participa à une parade militaire en présence de la population et des autorités militaires et civiles locales.
Au mois d’août, lorsque la division reçut l’ordre de rejoindre les Etats-Unis, l’état-major et les troupes spéciales furent les premiers éléments appelés à quitter leur cantonnement français. Mais à ce moment, bon nombre des hommes avaient déjà rejoint les rangs des 13th, 82nd, 101st Airborne Division depuis peu. L’armée avait mis en œuvre un système de points pour prioriser le retour des soldats aux pays en fonction de leur expérience militaire. Ceux de moins de 75 points furent transférés vers une autre division en vue de combattre sur le front du Pacifique ou encore, de continuer l’occupation des anciens pays ennemis. Charles et Albert Davis, furent transférés à la 82nd Airborne Signal Company, compagnie de communication de la 82nd Airborne Division, unité identique à celle avec la quelle ils avaient toujours servis. Avec elle, les frères jumeaux participèrent à l’occupation de Berlin :
« Je garde de la période d’occupation de la capitale allemande de nombreux bons souvenirs, d’autant plus que ma nouvelle unité n’avait que très peu de responsabilités, son rôle étant d’assurer la sécurité urbaine et le protocole militaire. Pour nous, les occasions ne manquaient pas de participer à des matchs de football américain dans le stade olympique. Malgré la destruction presque totale de la ville, la famine et la prévalence du marché noir, nous nous baladions dans les rues et faisions connaissance avec les habitants. Comme de nombreux compatriotes, mon frère Albert rencontra une jeune Allemande qu’il réussit à faire traverser l’atlantique en 1947 pour l’épouser ensuite. »
Décembre allait leur apporter la nouvelle qu’ils attendaient impatiemment : le retour au pays.
Albert Melville Davis (au centre)
Et enfin les Etats-Unis
Le 3 janvier 1946, après huit jours de mer, les deux jumeaux revinrent aux Etats-Unis et transitèrent par Camp Shanks, près d’Orangeburg, état de New York, où ils se préparèrent à participer à la Parade de la Victoire, prévue à New York City le 12 janvier suivant. Symboliquement, la 82nd Airborne y représenta à elle seule l’entièreté de l’armée américaine. Malheureusement, Charles développa une infection au bras et entra à l’hôpital de New York, laissant ainsi Albert défiler seul. En guise de compensation, il assista à l’évènement depuis la fenêtre de sa chambre. Avertie de leur présence, leur famille leur rendit visite à New York, ils se retrouvèrent pour la première fois depuis un an et demi. Le mois suivant, une fois Charles guérit, l’armée les transféra tous les deux à Fort Indiantown Gap, Pennsylvania, pour y être démobilisé.
Pendant 34 mois, Charles et Albert traversèrent indemnes et très souvent ensemble les épreuves endurées lors de leur service au sein de la 517 ASC, histoire qui commença en Pennsylvanie, les amena ensuite à travers 5 pays européens avant de regagner leur foyer familial. Jamais leurs chemins ne croisèrent directement celui d’un soldat allemand.
« Malgré le fait que nous avions tous deux des dispositions différentes, nous avons toujours été des jumeaux proches. J’étais décontracté alors que mon frère se sentait plus responsable. Le fait d’avoir pu rester ensemble nous donna une confiance et un confort d’esprit. A 18 ans, nous pensions que rien ne pouvait nous arriver. En fait, je ne me souviens pas que nous nous inquiétions l’un pour l’autre, nous étions si naïfs et si jeunes. Nous pouvions très bien ne pas nous voir pendant plusieurs jours, mais ce genre de chose ne nous perturbait pas, car nous étions trop inexpérimentés pour penser à mal. »
Une fois démobilisé, Charles profita du GI Bill, un plan pédagogique initié par le gouvernement américain pour faciliter la reprise d’un parcours scolaire par les vétérans de guerre. Il fréquenta ainsi le Thiel College à Greenville, Pennsylvania et obtint son diplôme en économie. Pendant 30 ans, il occuppa la fonction d’agent publicitaire auprès de la société métallurgique Alcoa Steel, jusqu’à sa retraite à Centerville, Ohio, son actuel lieu de résidence. Charles épousa Charlotte May Suplinger, mais le couple n’eut pas d’enfant. Albert, qui enfant, avait toujours souhaité devenir entraîneur de football et de basketball, profita également du GI Bill pour décrocher son diplôme au Slippery Rock State College à Slippery Rock, Pennsylania, un établissement réputé pour la qualité de son enseignement sportif et physique. Il accepta en 1953 un emploi d’entraîneur sportif et de professeur d’histoire à la Riverdale Country School dans le quartier du Bronx à New York, alors la 6ème école la plus prisée du pays. Au moment de sa retraite en 1987, on lui proposa d’occuper le poste d’archiviste de l’établissement, fonction qu’il exerça jusqu’en 1997, ce qui clôtura 44 années e carrière. Albert réside, encore à ce jour dans le Bronx.
Après la guerre, Charles devint un ami proche du Major Joseph Ahern, sous les ordres de qui il avait servi au cours de son parcours militaire. Les deux hommes se retrouvèrent chaque année à Philadelphia, à l’occasion des compétitions sportives opposant l’Armée à la Marine. Cette relation n’était pas étonnante, car, avec tout le respect du grade qu’il leur devait, Charles connaissait bien les officiers de sa compagnie, du fait de sa responsabilité de Chief Message Center. Lors d’une des dernières réunions organisées par les vétérans de la 17th Airborne à laquelle il assista, Charles Davis rencontra David Shortt, gestionnaire du Veteran Memorial Museum à Germantown, Ohio. Les deux hommes devinrent rapidement amis. L’oncle de David, Kenneth Shortt, servit au sein du 139th Engineer Company. L’histoire de la division occupe une grande partie des collections de ce musée, grâce aux photographies, documents, témoignages et souvenirs de plusieurs vétérans. Charles officia comme premier président de l’institution et en demeure un membre actif.
Au cours de son existence, du 15 avril 1943 au 16 septembre 1945, la 17th Airborne compta 6 paires de frères jumeaux. Excepté un jumeau tu au combat, tous survécurent à la guerre. En date de mars 2017, lorsque Charles revint en Europe dans le cadre d’un voyage commémoratif aux endroits où il combattit 72 ans plus tôt, son frère et lui formèrent la dernière pare de survivante de jumeaux. La santé d’Albert ne lui permit pas d’accompagner Charles à cette occasion.
Le vétéran 3rd Grade Charles H Davis est crédité des campagnes : « Ardennes-Alsace », « Rhineland » et « Central Europe ». Il est titulaire des décorations suivantes : Glider Badge, Good Conduct Medal, American Thater Medal, European-African-Middle Eastern Theter Medal with one Bronze Arrowhead and three Bronze Stars, Victory Medal et Army Occupation medal with Germany clasp. Pourtant officiellement breveté planeur en 1943, Charles dut attendre environ un an avant de recevoir son badge et pouvoir l’arborer fièrement sur son uniforme, telle une marque de fabrique.
En plus des campagnes et décorations citées ci-dessus, son frère, le Private First Class Albert M Davis, est titulaire du Parachute Badge et de la Bronze Star Medal with « V » for valor.
Charles Hugues Davis
Charles et Albert aujourd'hui
J'ai eu la chance de rencontrer Charles Davis en mars 2017 lors de la Dead's Man Ridge March.