A la mémoire
C'est avec beaucoup de tristesse que je vous fait part du décès de Bob Gehrett.
Il s'est éteint le vendredi 2 février 2012. Si vous passez par ici, arrêtez vous 5 minutes et pensez à ce que Grand Monsieur fit pour vous.
Je remercie mon ami Dominique Potier qui me permit d'entrer en contact avec Betty Rye, fille de Robert Hehrett. Un très grand merci aussi à Betty qui prit le temps de me répondre, de poser toute mes questions à son papa et de m'envoyer les potos. Enfin, un très grand merci à Robert Gehrett pour avoir accepté de répondre à toute les questions.
Robert G Gehrett naquit le 21 juin 1924 à Huntingdon en Pennsylvanie. Son père, James Gehrett travaillait pour les chemins de fer. Sa mère, Catherine élevait leurs 4 enfants, Virginie, Bertha, Jim et Robert. Son frère, Jim, servit aussi dans l’armée, dans l’Air Force.
Robert vécus son enfance durant la grande dépression. Petit garçon, Robert revendait les pains ainsi que les tartes que ça maman préparait pour faire une rentrée de dollars supplémentaire. Sa maman était un véritable cordon bleu.
Mais malgré la crise, Robert eu une enfance heureuse. Il allait souvent à la pêche avec son père. Il était aussi l’ami de tous les enfants de son âge. Ces parents étaient de bon Chrétiens, très actifs au sein de leur église.
«En 1940, la Seconde Guerre Mondial éclate en Europe etgrâce à l'influence de mon papa et du sénateur Dick Simpson, j'ai été choisi pour suivre les cours de l'école de commerce dans l'immeuble de l'exposition agricole à Harrisburg, en Pennsylvanie, à l'âge de 17 ans. J’ai quitté la maison avec 20$ et un ticket de train pour Harrisburg où j’ai suivi durant 6 mois, les cours à l’Aviation Mechanics School. Après l’école, j’ai été au Middletown Air Depot maintenant Harrisburg Airport entant que mécanicien. J’avais de bonne notes à l’école ainsi le gouvernement fit de moi, après plusieurs mois, contremaître de la chaîne d’assemblage. J’avais à ma charge 30 personnes toutes plus âgées que moi.»
«Tandis que j’étais à Middletown mon frère Jim fut enrôlé dans l’Air Force le 23 décembre 1941.Je fus incorporé et j'ai passé mes examens physiques à Altoona. Pendant que j'étais là bas, les "huiles" de Middletown m'ont sorti du rang en me disant qu'ils allaient me classer comme 4F car Jim était déjà à l'armée mais avec tous mes potes d'enfance dans le rang, j'ai refusé leur offre même quand ils m'ont dit que je n'aurai pas besoin de servir puisqu'ils avaient besoin de moi pour gérer le centre de rassemblement.J’ai passé les tests et je reçus l’ordre de me présenter au rapport à New Cumberland en janvier 1942.»
Robert et son frère Jim. Photo prise à la "maison" après la guerre, 1945
« En arrivant à New Cumberland et après avoir été enregistré, on m'a donné une permission de trois jours et je suis rentré à la maison. Je me suis présenté deux semaines plus tard, et on m'a envoyé en train à Leonardwood, Missouri, pour y suivre la formation de base de 16 semaines pour devenir spécialiste du génie. C'est là bas que j'ai suivi l'école de mécanique pendant 6 semaines, et tout de suite après les classes, j'ai travaillé à droite et à gauche pour entraîner mon adresse en mécanique. Au début du printemps, la 101st Airborne Division fit une démonstration et ensuite, ils demandèrent s’ils y avaient des volontaires et je me suis inscrit. Deux jours plus tard, nous avons été envoyés au Fort Benning en Géorgie. Là, j’ai reçut 6 semaines de formation de saut et j’obtins mes ailes. Quelque temps après, j'ai embarqué sur le S.S.Strathnaver (une bétaillère) avec la 101st Airborne Division et on a fini à Jolly Ole en Angleterre. »
« Je faisais partie du 502nd PIR, HQ Co. J’étais Squad Leader de la 3ème section spécial de fusilier, tous des experts, des tireurs d’élite. J’ai obtenu mon badge de tireur d’élite, la classe la plus élevée au 502nd. Nous stationnions dans la belle petite campagne de Swendon en Angleterre dans des cabanes. Chaque section avait sa cabane. Là-bas, nous avons commencé des sauts d’entraînement de nuit pour le D-Day. Peu de temps après, le 29 mai, nous avons été rassemblés dans une base aérienne proche de l’endroit où nous faisions nos entraînements de nuit, nous avons logés dans des hangars et placé en quarantaine. Personne ne pouvait quitter le hangar et des MP surveillaient. Ils ne voulaient pas que des secrets ne sortent. »
Enfin, le 5 juin 1944 on leur averti que le grand jour était arrivé ! Les parachutistes ce dirigèrent en file indienne vers leurs C-47. Les hommes du 502nd PIR allaient décoller de Membury et de Greenham. Les C-47 décollèrent direction la Normandie et plus précisément la DZ A, près de Saint-Martin-de-Varreville. Mais la force de la FLAK et les nuages dispersa les avions.
Robert se souvient de son saut :
« Nous avons sauté d’une hauteur de 500 pieds (la même hauteur que le monument de Washington). Mon parachute ne fut ouvert que depuis quelques secondes que j’ai touché le sol et quand j’ai levé les yeux vers lui et j’ai pu constater qu’il y avait 4 tours de balles dedans. »
Robert atterrit 10 kilomètres derrière les lignes ennemies. Juste devant Ste Mère Eglise, dans un champ cerné de haute haie. Il était non seulement loin de sa DZ mais il était aussi seul.
« Tout le monde était très dispersée. J’ai trouvé 3 gars du 506th PIR, puis comme nous marchions vers la ville, nous avons commencé à trouver de plus en plus de membre du 502nd PIR. »
Son souvenir le plus marquant se déroula devant Carentan :
« Ce que je me souviens le plus, c'est que leurs ordres étaient de rassembler les troupes et se diriger vers Carantan pour sécuriser la zone - quand nous sommes arrivés près de Carantan on nous a dit de creuser et de creuser en profondeur - et la prochaine chose que je me souviens c'est que 400 avions sont arrivés et ils ont littéralement nivelé Carantan (comme on dit ici - a transformé en un parc de stationnement). Je ne m'y attendais pas. »
Le 502nd PIR combattit jusqu’au 29 juin 1944. Ensuite, ils furent envoyés à Cherbourg pour embarquer sur un bateau et retourner en Angleterre.
« On était salement amoché ; sur 13 250 paratroopers au début, 8 000 d'entre nous sont revenus, le reste ayant été tués ou blessés. »
De retour en Angleterre, le 502nd reforma ses effectifs et s’entraîna en vue de la prochaine opération.
« Ils nous ont envoyés des remplaçants de Fort Benning en Géorgie et nous sommes revenus à 11.000 parachutistes. »
La 101st Airborne Division fut mise en alerte pour plusieurs missions en France mais toute annulée. Durant cette période, Robert reçut une permission pour Londres.
« Nous sentions que la guerre se déroulait bien et nous avons reçut une permission d’un week-end mais nous avons du rester en contact avec la base toute les 12 heures. »
« Une chose à propos de l’Angleterre, ils ont un merveilleux système de transport. Vous pouviez aller n’importe où jusqu’à 330 kilomètres et revenir en trois heures un peu comme en voiture. Il y avait 4 grandes gares à Londres. Un train partait toutes les 15 minutes vers la plupart des grandes villes. Les stations étaient distantes de 8 kilomètres et le train que vous preniez traversait les 4 stations et les billets étaient tous du même prix. Vous pouviez aller de Londres à Manchester à 241 kilomètres pour 1$ 50 ou 3 shillings. Les Britanniques étaient gentils avec nous et il va s’en dire que c’était un bon moment. J’ai été à Londres, à Manchester, Blackpool, Edenberg, Gloucester et South Hampton. »
De ses permissions en Angleterre, Robert ce souvient qu’il y avait beaucoup de jeunes gars en ville. Mais que les gars de la 82nd Airborne et 101st Airborne devaient être séparés à cause des bagarres dans les pubs anglais.
« La bagarre commençait quand ont disaient : « AA – est synonyme de Presque Airborne (Almost Airborne). »
Photos prisent en 1944 (En Angleterre?)
Après moins de trois mois en Angleterre, le 502nd PIR effectue sont deuxièmes sauts. Leur objectif est de sauté sur la DZ C et prendre un pont routier passant au-dessus du fleuve Dommel à St Oedenrode et le pont de chemin de fer et les routes de la petite ville de Best. Elle avait aussi pour mission de garder les DZ B et C pour l’atterrissage des planeurs. Leur saut se fit le 17 septembre 1944 à 13h15. Après un atterrissage impeccable, les hommes se dirigèrent vers leurs objectifs. Et quelque temps après la prise de leur objectif, la 502nd suivit la 101st qui se déplaça dans le secteur de « l’Ile » au sud-ouest d'Arnhem. Le 502nd fut l'unité de réserve, elle fut envoyée près de la ville de Dodewaard. Son action fut limitée à des patrouilles pour repérer les infiltrations ennemies. Pendant ces actions, les paras du 502nd furent surtout victime des mines allemandes.
« Nous nous en sommes sorti mieux qu’en France. Nous avons perdus 3.000 tués et blessés durant cette période. »
Robert à beaucoup de souvenirs des combats en Hollande mais celui qu’il n’oubliera jamais se déroula à Zon. Sa fille raconte :
« C’était sur le pont de Zon où il a perdu plusieurs de ses amis et de camarades - combat horrible qui a duré pendant des jours ! Il ne voulait pas descendre du bus, le jour où nous nous sommes arrêtés là, lors de notre visite - trop d’émotion pour lui ! »
Finalement, au mois de décembre, le 502nd, en compagnie du reste du 101st fut retiré du front et retourna dans une ancienne garnison se situant à Reims en France, le Camp Mourmelon. Au camp, les hommes se reposèrent, la formation fut limitée en cours de gymnastique. Quelques clubs de la Croix Rouge furent ouvrirent leurs portes pour divertir les troupes. Mais cette période de repos sera de courte durée.
A l’aube du 16 décembre 1944, les Allemands lancent une grande offensive traversant la forêt des Ardennes rencontrant les défenses américaines assurées par le VIIème Corps. Objectif, la prise d’Anvers, seul port proche qui alimente les troupes Alliées. La 101st Airborne Division fût rapidement expédié vers la ville de Bastogne, ville stratégique pour les Allemands car au carrefour de plusieurs routes importantes pour leur offensive.
La 101st Airborne fit la route dans la nuit du 18 décembre à bord de camions.
« Nous sommes allés à une dizaine de kilomètres à l’est de Bastogne dans un petit village entouré de fermes et de collines. Nous avons creusés nos foxholes et avons attendu les Allemands. Mais ils nous ont encerclés et ont demandés que nous nous rendions. Mais le Général McAuliffe répondit avec le célèbre mot qui fut entendu partout dans le monde. Le 24 décembre, nous pouvions entendre le son des Panzers et des troupes se rapprocher et nous encercler et nous n’avons pas reçut aucune munition, nourriture ou fourniture. Chaussettes et chaussures sèches que nous avions besoin là-bas. Il y avait une couche de neige de 18 cm et 20 degrés sous zéros. »
Le 502nd PIR tenait les positions au Nord et au Nord-ouest de Bastogne.
Les Allemands ne parvenant pas à percer les défenses ont envoyé des coups de sondes.
Dans le secteur tenu par le 502nd PIR, l’attaque est survenue le lendemain matin de Noël, dans la région de Hemroulle. De nombreux panzers allemands pénétrèrent les lignes.
Pour finir, le 26 décembre les chars appartenant à la 4th Armored Division de la III armée de Patton brisèrent l’encerclement.
Tous les hommes souffrirent terriblement du froid. Robert Gehrett eu les pieds gelés.
« J’ai été emmené à Bruxelles en Belgique dans un hôpital pour 4 jours puis retour en Angleterre pour 6 semaines. Heureusement, je n’ai pas eu de gangrène aux pieds au contraire de beaucoup d’hommes qui y étaient avec moi. »
« Après ma sortie de l’hôpital, l’Armée ne me permit pas de rejoindre mon équipe parce que les Allemands avaient déclaré que la Compagnie de QG avait été faite prisonnier de guerre et je ne pouvais pas retourner au combat donc ils m’ont envoyés dans l’aéroportée à Burtonwood en Angleterre. J'y suis resté jusqu'au printemps et je me suis réengagé. De retour aux Etats-Unis, j’ai débarqué à New York. On m’a dit d’être au rapport à Indiantown Gap en Pennsylvanie après une semaine, j’y ai reçut 90 jours de permission. »
« Je suis rentré chez moi à Huntingdon en train. Alors que j’étais à l’étranger, maman et papa avaient achetés une grande maison en brique de Mussie Black et ils ont vendus la vieille ferme. C’était la maison que maman voulait depuis toujours. Elle était sur le point d’être saisie à cause d’un arriéré d’impôts. Mme Black avait toujours dit qu’elle laissait la maison a papa et maman contre les 4.000$ qu’elle devait aux impôts. »
« Je les ai surpris quand je suis arrivé alors qu’ils prenaient leur petit déjeuner. Ils ont été encore plus surpris de me voir marcher. Je ne leur ai jamais dit à quel point j’avais été malade ou si j’avais été gravement blessé durant la guerre. Plusieurs semaines plus tard, Jim est rentré de Californie. Il n'avait jamais quitté les Etats Unis. Nous avons passé de bon moment et j’ai apprécié mes 90 jours de permission. J’ai été me présenter au rapport à Andrews Field dans le Maryland où j’ai commencé mes 18 mois de réengagement. J’ai été recruté par l’Air Force à cause de mon expérience sur les avions et on m'a nommé chef d'équipage sur un Beechcraft à 5 places, un genre de petit avion d'affaires. Plus tard on m'a transféré pour être assistant chef de bord sur un bombardier B 25, puis je suis devenu chef d'équipage. »
Après cela, Robert devint conducteur de voiture à Washington DC, il fut aussi chauffeur pour la Greyhound Bus.
Le 14 février 1947, Robert épouse sa fiancée, Reba, qu’il avait rencontrée durant l’été 1945. Malheureusement, Reba décèdera en Septembre 2010. Ils vécurent heureux pendant 64 ans. Ils ont eu deux filles, Betty et Cathy.
En 1952, il retourna à l’armée. Sa fille, Betty, raconte:
« Papa entra dans la Garde National de Washington DC jusqu’au moment de sa retraite. Il était chef mécanicien pour l'entretien à Andrews Air Force Base – il avait sous ses ordres environ 40 hommes et devait entretenir des chars, des jeeps, etc, prêt à être utilisé. Il est maintenant à la retraite depuis plus longtemps que s’il avait travaillé- peu de gens peuvent en dire le même. Il prit sa retraite jeune, il avait 54 ans. »
Il quitta l’armée avec le grade de 1st Sergeant.
Robert, à sa majorité, du abandonner l’école pour entrer à l’armée. Durant sa retraite, il suivi un programme pour vétérans et il obtint finalement son diplôme en 2002. Sa fille se rappelle.
«Il a été diplômé de l'école secondaire de Huntingdon à Huntingdon, en Pennsylvanie
Il traversa le podium et a accepté son diplôme dans son uniforme et a ensuite salué la classe des diplômés. Pas un œil sec dans la salle. »
Depuis la fin de la guerre, Robert Gehrett n’était jamais revenus en Europe jusqu’en juin 2010, 66 ans après.
« Maman n’a jamais voulu que papa retourne en Normandie parce qu’elle avait du vivre toute ses années avec lui qui faisait des cauchemars la nuit. Il se réveillait en pleine nuit criant « Des Boches »!
Robert et sa fille Betty suivirent le « Band of Brother Tour ». Robert revint pour la première fois depuis 66ans sur les lieux des ses deux sauts et le sol sacré de ses camarades.
« Mon père n'a jamais parlé de la guerre jusqu'à environ 8 ans, lorsque nous étions sur des vacances en famille. Nous avons eu un gentlemen séjournant dans notre centre de villégiature qui a été à Pearl Harbor et ils étaient assis sur la plage tous les jours à raconter des histoires - J'aurais voulu avoir enregistré ce qu'ils disaient, car ils sont "la marche des livres d'histoire»! Tout ce que je savais grandissant, c'est que mon père était un parachutiste dans la Seconde Guerre mondiale. Ce n'est que récemment par la prise de ce voyage avec lui en arrière puis-je me rends compte maintenant ce qu'est un sacrifice qu'il a fait pour son pays et combien il est vraiment mon héros. Ce « tour » fut un plaisir, une éducation avec la plupart du temps beaucoup d'émotion. »
En 2010, Robert Gehrett retourne pour la première fois en Europe. Intense moment d'émotion, surtout quand son jeune ami Casey joue du clairon face au monument pour la 101st Airborne.
Photo prise en 2010. Robert et son jeune ami Caseyen Boy Scout. Qui est le plus fiers des deux?
Ces décorations sont:
Brevet de parachutiste, Combat Infantry Badge, Campagne Européenne avec 3 étoiles, une Bronze Star, Good Conduct Medal, 25 ans de services Silver Defense, silver disabilities with 6 stars, la Fourragère Belge, la Service Medal avec 2 étoiles et la médaille de la victoire.