Entretient de Pascal (alias Glider Pilote sur le forum encore merci à lui)
Suite à des recherches en vue de reconstituer un pilote de planeur Américain je suis entré en contact, par l’intermédiaire de Tom Brennan webmaster de l’association des pilotes de planeurs américains, avec un vétéran pilote de planeur durant l’opération Varsity, Mr George Theis, qui est le trésorier national de cette même association.
Voici son histoire :
Depuis tout petit j’avais l’envie de voler et à 18 ans à l’âge où d’autres se passionnent pour les voitures j’ai voulu rentrer dans l’army air corps afin de devenir un pilote d’avion à moteur, malheureusement j’ai échoué à l’examen des yeux qui étaient à 20/40 avec astigmatisme.
Cependant on m’a offert l’opportunité de postuler pour devenir pilote de planeur, les examens des yeux étant moins stricts.
Je suis alors rentré dans l’army air corps en octobre 1942 à l'âge de 18 ans avec le grade de simple soldat sous le matricule13143960.
Après avoir réussi ma formation et mes tests je suis passé Flight officer et mon matricule s’est transformé en T-134158, ce grade me permettait de me faire appeler Monsieur par les soldats de grades inférieurs et de bénéficier des facilités identiques à celle d’un officier (accès au mess officiers par exemple) excepté au niveau de la paie qui consistait en une garantie plutôt qu’une commission (comme les officiers) et qui était d’un niveau moindre.
Qu’est ce que le grade de Flight officer ? En fait quelques responsables du programme de mise en œuvre des planeurs au début de la guerre avaient proposé que les pilotes de planeur brevetés en fin de formation, qui étaient alors Master Sergeant, (le cadet passait de simple soldat à master sergeant durant sa formation exceptée les personnes qui étaient déjà officiers dés le départ), puissent devenir officiers du fait qu’ils avaient le contrôle d’un engin et qu’ils étaient responsables de la vie des personnes qu’ils transportaient, ils auraient donc du devenir 2eme Lieutenant.
Évidemment les pilotes d’avions à moteur qui avaient une formation plus poussée ne l’ont pas entendu de cette oreille et ont tout fait pour empêcher cela (ils ne voulaient pas être au même niveau qu’un pilote d’avion sans moteur avec moins de formation).
Dans l’impasse les responsables ont créé à partir du grade de Warrant officer (officier de réserve ou officier administratif sans commandement, grade intermédiaire entre sergent et lieutenant) le grade de Flight officer qui serait alors spécifiquement délivrés aux pilotes de planeur gradués.
L’insigne de Flight officer consiste en une broche ovoïde aux bords dorés avec l’intérieur bleu séparé en deux parties par une ligne dorée (intérieur rouge-brun pour le warrant officer).
De même des ailes semblables à celles remises à tout le personnel volant de l’army air corps ont été créées avec un G dans le centre de l’écu.
Ce grade à disparu en même temps que les planeurs lorsqu’ils ont été remplacés définitivement par les hélicoptères en 1953.
Le grade de Warrant officer à lui aussi disparu des tables de l’army air corps(AAC) quand celui ci est devenu l’US air force après la deuxième guerre cependant la marine et l’armée de terre l’utilisent encore de nos jours.
Quelques pilotes étaient lieutenants mais c’est parce qu’ils l’étaient déjà avant de faire leur formation, ils étaient principalement des officiers soit trop vieux, soit administratifs ou avec des problèmes visuels qui voulaient participer aux combats dans l’army air corps.
Les pilotes de planeurs n’ont jamais fait partie des divisions aéroportées bien qu’ils en aient été-les "chauffeurs de bus" et qu’ils étaient proches de leurs passagers, là aussi certaines discussions ont eu lieu pour savoir s’ils devaient être intégrés dans ces divisions et s’entraîner comme des soldats de combat ou alors rester dans l’AAC et alors tout faire pour éviter les combats et revenir le plus vite possible dans un endroit sûr une fois au sol (un pilote formé même pilote de planeur est plus précieux qu’un fantassin) et là aussi les discussions ont abouti à un compromis : Ils restent dans l’AAC mais doivent s’entraîner comme des soldats de combat afin de pouvoir rejoindre de leurs propres moyens les lignes amies sans devoir compter sur l’aide des soldats Airbornes et sans les gêner dans leurs missions.
Au sujet du planeur lui-même, à part pour les vols de qualification, je n’ai jamais volé que sur le Waco CG4A et contrairement à la légende c’était une merveille à voler, un peu bruyant quand il était tiré par le C47 mais une fois libérées, on pouvait le piloter d’une main (ce planeur n’avait pas un manche à balai comme un avion normal mais un volant comme dans une voiture qui bougeait de l’avant vers l’arrière sur un axe et qui tournait de gauche à droite) vraiment stable et facile à piloter.
Quand l’air était un peu "cahoteux" il était parfois nécessaire de reprendre les commandes à deux mains!
On pouvait aussi jouer avec les trims des commandes de façon à ce que le planeur vole quasiment de lui-même.
Au sujet des atterrissages et décollages c’était un réel plaisir à l’entraînement, évidemment en vol de combat, de nuit, largués à basse altitude avec des arbres, des haies, des obstacles placés par les Allemands ou d’autres planeurs des premières vagues dans la landing zone comme en Normandie, ( sans compter le stress) c’était une autre chose, mais cela je ne l’ai jamais connu mon seul vol de combat s’étant déroulé de jour et dans de bonnes conditions.
Opération Varsity : c’était la dernière, une des plus grande après la Normandie et la plus réussie des opérations aéroportées de la guerre.
Elle a eu lieu dans les environs de Wessel en Allemagne et son but était de contourner, d’encercler et de percer les défenses allemandes défendant la région de la Ruhr sur la rive est du Rhin en soutien de la 9eme armée US et de la 2eme armée britannique qui allaient eux traverser le Rhin.
Elle a impliqué la 17eme division airborne US dont les soldats n’avaient jamais combattu autrement que comme fantassins pendant la bataille des Ardennes (excepté les soldats du 507th PIR attaché à la 82ème Airborne jusqu’après la Normandie) et la 6ème Airborne britannique.
Pour la première fois les zones d’atterrissages des planeurs ne seraient pas sécurisées par les paras et pour la première fois aussi chaque C47 (ou C46 déjà) tireraient 2 planeurs à la fois.
A cette époque je faisais partie du 98eme Troop carrier squadron lui-même partie du 440 th Troop carrier Group intégré dans le 50eme Troop carrier wing du 9eme Troop carrier command de la 9eme air force.
Le surnom de mon planeur (qui était aussi le mien) était Little Crow (Petit Corbeau) et le planeur portait aussi le nom de la femme de mon mécanicien principal Margie D II, mon copilote était le Flight Officer Unruh ( un vrai pilote contrairement à la Normandie où beaucoup de pilotes ont vu souvent s’asseoir à côté d’eux des soldats peu expérimentés ou même pas pilotes du tout).
Pour cette mission je devais emporter une jeep et 3 soldats Airborne, nous avons pris l’air à partir de l’aérodrome A50 Bricy près d’Orléans le samedi matin du 24 Mars 1945 et le vol dura 3 heures jusque la landing zone ‘’N’’.
La formation d’avions tracteurs et de planeurs était appelée Glider train et du début jusque la fin elle mesurait 500 miles de long.
Les avions tracteurs volaient par groupe de quatre, dans mon cas chacun ne tirait qu’un planeur et l’ordre étaient: fantassins pour les planeurs 1et 2, jeep pour le 3 (le mien) et remorque de jeep avec munitions pour le 4.
Au-dessus de la LZ lorsque nous devions avoir le signal de détachement le numéro 1 devait tourner de 270° sur la gauche ensuite le 2,3 et 4 pour atterrir, sauf que dans le cas de mon groupe le numéro 4 n’a pas pu faire son virage ses commandes étant mortes, tout ce qu’il pouvait faire était voler tout droit (j’ai appris plus tard qu’il s’était posé dans un verger de pommiers et qu’il s’était arraché les ailes).
Après un atterrissage sans problèmes, nous avons déchargé la jeep sous le feu de snipers ou d’éléments isolés et les soldats ont disparus avec la jeep. C'est aussi à ce moment là que j'ai perdu de vue mon copilote.
J’ai commencé à prendre la route en direction du PC de regroupement.
(NOTE : George à ce moment ne parle pas de son copilote et j’ai personnellement des doutes sur les fameux snipers qui s’ils étaient réellement des tireurs d’élite les auraient liquidés avant qu’ils ne déchargent la jeep, sans doute plutôt des soldats isolés qui tiraientau hasard vers les planeurs).
Sur le chemin j’ai rencontré un ancien camarade de classe qui était dans un autre squadron et il était en compagnie d’un général (je crois Général Miley mais je ne suis pas sûr) qui avait été largué loin de ses hommes et qui avait perdu ses aides de camp et ses cartes.
Lorsque mon ami me demanda mes cartes à prêter pour le général je me suis rendu compte que j’avais laissé ma musette à cartes dans l’appareil aussitôt Miley me donna l’ordre de retourner les chercher et de venir le rejoindre de nouveau le plus vite possible.
En prenant un raccourci à travers une rangée de buissons 2 jeunes soldats allemands sans armes surgirent en levant les bras en l’air et en criant "Kamerad, Kamerad", comme ils avaient l’air aussi effrayés que moi je leur ai dit de se rapprocher en allemand (Kommen sie hier) et je les ai fait prisonniers.
Je les ai ramenés vers le planeur et j’ai demandé à un autre soldat qui passait par-là de les tenir en joue pendant que je les prenais en photo devant le planeur.
Après avoir récupéré les cartes, nous nous sommes mis en route pour rejoindre le général, j’ai donné les prisonniers à une patrouille de la police militaire qui passait par-là et ait enfin pu donner ces cartes au Général Miley.
Plus tard j’ai appris pourquoi les 2 allemands avaient eu si peur quand ils m’ont vu, pour faire en sorte qu’ils se battent jusqu’au bout leurs officiers leur avaient dit que les Américains ne feraient pas de prisonniers, ce qui s’est avéré faux vu que je ne leur ai pas tiré dessus.
J’ai finalement repris ma route vers le PC de regroupement et après avoir été enregistré, on m’a donné un endroit où creuser mon foxhole pour la nuit.
Le lendemain nous nous sommes tous remis en marche d’abord le long d’une voie ferrée ensuite à travers une forêt avant d’arriver à un vaste champ où étaient rassemblés plus de 2000 prisonniers.
Notre job à été de ramener ces prisonniers vers le Rhin où ils ont été pris en charge par la police militaire et internée en camps.
Pour notre part nous avons traversé le Rhin en DUKW et après avoir été pris en charge par camion vers un aérodrome (certainement en Hollande) où nous devions attendre les avions venant de Bricy qui devaient nous rapatrier dans nos unités respectives.
Cette nuit là nous avons dormi dans des couchettes sous des tentes dans un endroit appelé "Rhine Hotel".
Ce fut là ma seule mission de combat, peu après la fin de la guerre j’ai été promu 2eme Lieutenant, mon numéro matricule est devenu O-2026732, j’ai reçu un paiement sous forme de commission et les soldats de grade inférieurs s’adressaient à moi en disant Lieutenant ou Sir.
Après la guerre:
Après la guerre il est retourné à l'école technique (civile) afin de devenir mécanicien d'avion et pilote d'instruction.
Il s'est ensuite réengagé dans la nouvelle US air force où il a d'abord servi de mécanicien volant sur B29 et B50.
Après avoir suivi des cours de navigation il a terminé sa carrière militaire comme navigateur sur ravitailleur KC135 et comme analyste système et programmateur.
Il avait atteint à ce moment le grade de Lieutenant-Colonel (pas mal pour un gars qui s'est engagé comme simple soldat) après 26 ans de service.
Plus tard il a travaillé dans des compagnies informatique jusque sa retraite.
Il a eu l'occasion de revenir plusieurs fois en Europe et notamment dans les environs de Wessel où il s'est lié d'amitié avec des pilotes de planeurs allemands ce qui lui a permis de refaire un vol en planeur civil pour les 50 ans de Varsity, de survoler de nouveau sa landing zone et de se poser de nouveau près du même endroit qu'en 1945.
Depuis 2000 lui et sa femme ont revendu leur maison et arpentent les USA dans leur mobil home.