A la mémoire
C'est avec beaucoup de tristesse que je dois vous faire part de la disparition Mel Lagoon. Il est décédé ce jeudi 10 décembre 2015 au matin.
Repose en paix mon Mel. Merci pour tous. Mon fils, Michael, a été très fier d'avoir pu te rencontrer.
Un tout grand merci à Gregory de Cock pour avoir partagé avec moi son travail.
Une enfance rude mais heureuse.
Melvin Mike Lagoon fils de Susan Classen, naquit le 10 mai 1923 à Saint-Paul, Minnesota. Comme beaucoup d’Américains, il est de descendance allemande, ses arrière-grands-parents maternels étant originaires de Rhénanie-Palatinat et de Prusse. Melvin grandit dans la ferme de ses grands-parents, à Oakdale, entouré de ses frères et sœurs dont il est l’aîné. Sa mère travaillait comme ménagère à Bayport. Vers l’âge de 6 ans, Melvin rejoignit sa mère qui se maria avec Paul Lagoon, union qui lui donna son nom de famille définitif. Il fréquenta l’école primaire ce qui ne l’empêcha pas de participer aux divers travaux agricoles et d'élevage. Sa jeunesse fut rude, peu confortable, mais très heureuse, la nourriture et les amusements ne manquaient pas. La grande dépression financière frappa la famille : Paul perdit son emploi, les grands-parents durent vendre leurs deux fermes et Melvin déménagea plusieurs fois. Dès qu’il quitta l’école en 1937, il travailla notamment dans des fermes laitières, où il rencontra Jane Vincent. Les deux adolescents se fiancèrent à l’été 1941, mais furent vite séparés par la guerre. Alors qu’il répondait à l’appel de son pays, elle s’investit dans l’effort de guerre, en travaillant comme riveteuse sur bombardiers B-17 et B-29 à Seattle, état de Washington.
Melvin photographié au Camp Mackall
Sur le chemin de la guerre
Le 15 avril 1943, Melvin fut appelé sous les drapeaux et l’armée lui attribua le matricule 37558014. On l’envoya à Camp Mackall, North Carolina, pour effectuer son entraînement de base. Il intégra l’Easy Company, 193rd GIR, 17th Airborne Division. En tant que second tireur d’une équipe de mortier de 60mm, sa responsabilité était de transporter le bipied de l’arme, de la préparer au tir et de l’alimenter.
La température avoisinait souvent les 35°C et l’acclimatation aux conditions de vie fut difficile pendant les deux premières semaines. Melvin effectua des marches de 40 kilomètres avec équipement complet, courait 8 kilomètres chaque matin et développa sa condition physique. Suite à l’entraînement aux tactiques de combat et à l’utilisation des planeurs, il obtint son brevet « Glider » le 23 décembre. Le 5 février 1944, le 193rd GIR quitta Camp Mackall pour participer, pendant sept semaines, à des manœuvres et à des mises en situation de combat dans le Tennessee.
Le 27 mars, Melvin arriva à Camp Forrest près de Tullahoma, Tennessee et obtint son brevet de Parachute. Le 17juin. Au cours de son premier saut d’entraînement, il se retrouva dans le même avion que le Général Miley, commandant de la division, qui s’étonna de le voir uniquement coiffé d’un sous casque en feutre. Melvin lui répondit qu’il avait une grosse tête et qu’aucun casque d’entraînement ne lui convenait. Le Général lui répondit que s’il avait bien suivi la formation, il n’aurait même pas besoin de casque. Le saut fut une réussite. Ce fut aussi à Camp Forrest que Melvin fut promu au grade de Private First Class.
Le 14 août, Melvin apprit son départ pour l’Europe et transita par Camp Miles Standish à Taunton, près de Boston, Massachusetts. Le 20 août, il embarqua à Boston à destination de Liverpool, Angleterre, sur l’USS Wakefield. Après 8 jours de bateau et deux jour de train, le Pfc Lagoon parvint le 30 août à Camp Chiseldon, près de Swindon, Wiltshire, une région peu développée. Les hommes furent obligés d’aménager les lieux avant de continuer leurs exercices et leurs manœuvres diurnes et nocturnes dans les campagnes environnantes. En septembre, la 17th Airborne fut placée en état d’alerte, comme renfort éventuel des 82nd et 101st Airborne Divisions engagées aux Pays-Bas dans l’opération « Market-Garden », mais elle ne dut âs intervenir. Occasionnellement, Melvin eut la possibilité de se rendre en train à Swindon et à Londres où il assista à des spectacles et se divertit. Ses camarades et lui se lièrent d’amitié avec des parachutistes canadiens. Parfois, une famille britannique l’invitait à boire le thé, ce qu’il appréciait. Melvin connut aussi la peur des bombes volantes allemandes V1 et V2.
Prélude à l’enfer
Le 19 décembre 1944, le 193GIR fut averti qu’il allait être transféré d’urgence dans les Ardennes belges pour faire face à l’offensive Allemande lancée trois jours plus tôt. Les préparatifs se firent précipitamment. Le 21 décembre à 20heurs, le 2nd Bataillon rejoignit Membury Airfield, Berkshire, où il devait immédiatement embarquer dans les C-47, mais la météo ne permit pas d’effectuer le pont aérien avant le 24 décembre en fin de journée. Melvin atterrit à l’aérodrome A-79 de Purnay, près de Reims en France. La division passa dès lors sous le commandement de ma 3rd Army du Général Patton. Après un bref passage au camp de Mourmelon, le2/193Gir fut transporté en camion vers Boulzicourt, près de Charleville-Mézières. Melvin et son bataillon restèrent dans la région jusqu’au 1er janvier 1945, effectuant des patrouilles de sécurité, établissant des barrages routiers et gardant les ponts sur la Meuse afin de constituer une ligne de défense en cas d’expansion de la percée allemande. Melvin dormit d’en une porcherie et une grange.
Le jour de l’An 1945 en soirée, Melvin embarqua dans un camion qui l’amena à Massul, un village au nord-est de Neufchâteau, en Belgique avant de continuer vers Sibret. Le 3 janvier en fin d’après-midi, le 2/193GIR du Lieutenant-Colonel Harry Balish passa sous les ordres de la 101st Airborne qui l’appela dans les bois près d’Isle-le-Pré, au sud-ouest de Bastogne, en tant que réserve divisionnaire. La neige était profonde d’environ 60cm, la visibilité réduite à moins de 500 mètres et la température atteignit -6°C.
Le 5 janvier vers midi, le bataillon de Melvin s’installa à l’est de Mande-Saint-Etienne, dans deux petits bois isolés, Il y resta pendant un peu moins de deux jours, jusqu’au moment fatidique de se lancer à l’attaque des positions Allemandes. Les premiers cas d’engelure se déclarèrent. Le 7 janvier, le 193 GIR constituait le flanc droit de la 17th Airborne à laquelle il fut restitué par la 101st Airborne, sa voisine à l’est. Le 2/193GIR reçu comme mission de prendre mes bois situés à l’est de Flamisoulle.
Les Ardennes belges ou la fin de l’innocence
Michael Sauss (gauche) et Melvin Lagoon (droite) à Camp Forrest, Tennessee.
Le dimanche 7 janvier 1945 fut le tout premier jour de combat du 193GIR, une date gravée à jamais dans la mémoire de Melvin. La couche de neige, atteignant le genou, la température avoisinait les -6°C et le brouillard limitait la visibilité de 20 à 300 mètres. Le 1/193GIR se mit en position au sud de Flamisoulle, le 2/193GIR dans les champs à l’est de Mande-Saint-Etienne et attaquèrent à 8h15 après une préparation d’artillerie. Sous couvert du brouillard, Melvin et ses camarades avancèrent jusqu’à la route reliant Mande-Saint-Etienne à Champs. Sortant du brouillard, ils furent cloués en pleins champs par les mitrailleuses, les mortiers et l’artillerie allemande retranchés dans les bois. Plus le bataillon approchait du bois, plus la progression devint ardue. Les mortiers ne purent influencer l’issue de la bataille. Devant Flamisoulle, le 1/193 connus le même sort et ne pus atteindre son objectif. La situation s’enlisa au point qu’à partir de 15h le Colonel Stubbs (CO 193GIR) ordonna le retrait de son régiment. A la tombé de la nuit, le bilan était misérable. Les 104 et 108 Panzer Grenadiers Regiments infligèrent au régiment la perte de 144 hommes. Au cours de ce véritable enfer, Melvin perdit son platoon leader, le 2nd Lieutenant Leslie Telesca qui, le matin, par courrier, venait d’apprendre qu’il était père d’une fille. Son ami le Sgt Michael Saus, qu’il connaissait depuis Camp Mackall, décéda ce jour là aussi. « Accompagné d’un autre soldat, Michael et moi nous nous abritions dans un foxhole allemand recouvert de troncs d’arbres. Michael était près de la sortie. Lorsque le bombardement s’arrêta, mon ami ne bougeait plus, tué par le souffle d’un obus. »
Au cours des jours suivants, les victimes du froid s’ajoutèrent aux victimes de la veille, élevant à 50% les pertes de la E Co. Du 9 au 12 janvier, le 2/193GIR releva le 327GIR de sa position dans les bois aux alentours et dans le village de Champs, menant des patrouilles de reconnaissance, établissant des postes d’observation et faisant des prisonniers. La météo ne s’améliora pas, excepté le 12 janvier en après-midi lorsque le ciel se dégagea un peu autorisant l’intervention de l’aviation. Melvin et le Pvt Clarence E Putman participèrent à l’une des patrouilles. « Nous nous sommes installés dans un poste d’observation sur une crête pour diriger notre artillerie. Nous avons été repérés et bombardés par les Allemands. La communication par fil téléphonique fut rompue et, ne donnant plus de signe de vie, on nous crut morts. Mais, à l’aube, nous avons su rejoindre nos lignes, sains et saufs. »
Dans la nuit du 13 janvier, les Allemands ayant évacué le terrain, le 193GIR se plaça devant Flamisoulle et devant le bois atteint puis évacué le 7 janvier. A 8h15, il commença à avancer vers le nord, passant par Frenet, Givry et Gives, obliquant ensuite vers le nord-est en direction de Bertogne qu’il atteignit en après midi du 14 javier. Les bataillons s’installèrent dans les bois au sud-est du village et apprirent qu’ils allaient être intégrés à des éléments de la 11th Armored Division pour former deux « Tasks Forces » destinées à prendre en tenaille une poche de résistance à Compogne, 3 kilomètres plus à l’est. Melvin et son bataillon se retrouvèrent dans la « Task Force Bell » qui progressa, dès 10h le 15 janvier, au nord de la route menant à Houffalize. Malgré des tirs d’artillerie et de mortiers et la destruction de quelques chars, le hameau de Rastate, sur les hauteurs de Compogne, fut atteint vers 16h. Au sud, la « Task Force Stubbs », incluant le 1/193GIR, rencontra une résistance ennemie croissante et ne sut pas prendre son objectif avant le lendemain matin. Le régiment arriva ensuite à Malompré vers 17h et y resta en repos jusqu’au matin du 21 janvier, relevé par le 507th PIR. Pendant ce temps, la division continua de progresser très rapidement, au point que l’intendance et la nourriture n’arrivèrent plus à suivre, les hommes durent se contenter de vivres pris à l’ennemi ou dans les fermes. C’est peut-être à Malompré que Melvin vécut une expérience désagréable : « Nous avions trouvé un tas de betteraves sucrières, y avons aménagé des trous pour passer et allumer un petit feu. Au matin, la chaleur avait fait fondre la terre et les betteraves gelées, nous baignons dans la boue. »
Dès le 21 janvier, le 193GIR rattrapa la division dans les bois au sud-ouest de Tavigny, malgré la neige, la glace, les barrages routiers et les mines de plus en plus nombreuses. Il atteignit Limerlée le lendemain après-midi et s’apprêta à entrer au Grand-Duché-de-Luxembourg par Hautbellain, continuant de pourchasser les restes des 9. et 130. Division et de la 26. Infanterie Division en retraite vars la Ligne Siegfried.
L’attaque du village fut menée par la E Co. De Melvin le 23 janvier à partir de 8h30. Elle dut une nouvelle fois faire face à des tirs d’artillerie et une résistance soutenue, mais le lieu fut pris avec l’aide de la D Co. Des patrouilles partirent en direction de Huldange en début de soirée, préparant la progression du lendemain. Il est possible que ce jour là, l’équipe de Melvin fit face à l’imprévu : « Le collier du bipied de mon mortier se brisa. Le tireur dut tenir le tube avec des gants et estimer la visée, cela lui réussit assez bien et lui réchauffa ses doigts. »
Le 24 janvier, toujours sous la menace de l’artillerie et des mitrailleuses, le 2/193 progressa vers le nord-est en longeant la frontière entre Wathermal et Huldange, sécurisa un bois et fit sa jonction avec le 1/513PIR arrivé par le nord. Toute la journée, il fallut repousser les Allemands qui tentaient désespérément de retarder les Américains. Installé dans ce bois pour la nuit, le 193GIR fut rejoint par le 194GIR.
Jusqu’aux contreforts de la ligne Siegfried
Le jeudi 25 janvier 1945 marqua un tournant théorique dans l’histoire du 193GIR, la « Bataille des Ardennes » prit fin et la « Campagne de Rhénanie » débuta. Le 2/193GIR continua en soutien du 194GIR avant d’être transféré en camion à Erpeldange-les-Wiltz, le lendemain à 22 heures, pour y relever des éléments de la 26th ID et la 317th IR de la 80th ID. Cette courte pause permis d’intégrer des remplaçants, nettoyer les armes et entretenir le matériel. Arrivée à Bockholz-les-Hosingen le 27 janvier en soirée, la E Co envoya deux patrouilles à Hosingen, vers l’est, qui constatèrent que le 988 Volksgrenadier Regiment, 276. Infanterie Division avait déserté et piégé le village. Le lendemain, le 2/193 entra dans le village, continuant de repousser l’ennemi à l’est de la rivière Our et derrière la Ligne Siegfried. Il s’agissait des préludes à un mouvement d’envergure destiné à repousser les Allemands chez eux, sur la river est de la rivière Our.
Le 29 janvier à 14h, de la neige jusqu’au genoux, le 2/193 attaqua et atteignit presque la rivière trois heures plus tard. Toutefois, la résistance allemande obligea le repli américain. La Co E souffrit une nouvelle fois de fortes pertes. Continuellement jusqu’au 31 janvier, elle organisa des patrouilles et des postes d’observation pour jauger la 5. Fallschirmjäger Division. Melvin se souvient de ces journées : « Certains des remplaçants qui nous avaient rejoints 3 jours auparavant périrent sans même avoir Sali leur uniforme, plusieurs étaient très jeunes. » Melvin souffrit des exécrables conditions météo : « Je dus partir en mission d’observation avec Harold Osbom pour guider nos mortiers et notre artillerie. Un soir , après deux jours et deux nuits passés à l’extérieur dans un foxholes allemands, nous avons été rappelés parmi les nôtres pour un repas chaud, nous rééquiper et changer de chaussettes. Cela nous changeait des rations K que nous mangions depuis plusieurs jours. A 3h du matin, le Sgt Lindsey nous ordonna d’y retourner. Harold refusa presque. En guise de réponse le sous-officier lui proposa d’y retourner ou d’être arrêté pour insubordination. » Ses pieds étaient gelés, mais il ne pouvait se rendre au poste de secours, car non blessé. Ses nerfs furent mis à rude épreuve, car il fallait constamment nettoyer les petites poches de résistances, les Allemands étaient partout. C’est ainsi qu’une nuit, lorsqu’il reçut une lettre de Jane contenant une photo d’elle, Melvin fit la promesse à Dieu qu’il fonderait une belle famille s’il sortait vivant de la guerre.
Le dernier jour de janvier, il rejoignit Erpeldange-les-Wiltz où il resta en repos jusqu’au 10 février. Ses camarades et lui logèrent principalement dans des granges et des édifices publics, mais tous estimèrent que c’était le paradis. Ils aidèrent au déblaiement des décombres et à l’élimination des munitions dangereuses. Le Pvt Lagoon se souvient des terribles pertes de sa compagnie au cours de cet hiver : des 180 hommes qui la composaient initialement, seuls 38 restèrent sains et saufs. Le 193 GIR fut d’ailleurs l’une des unités qui la composaient initialement, seuls 38 restèrent sains et saufs. Le 193GIR fut d’ailleurs l’une des unités américaines qui supporta un très grand taux de pertes lors de cette harassante bataille. Début janvier, le Général Patton avait estimé que la 17th Airborne se mesurait à des unités allemandes décimées et en déroute, mais la réalité fut toute autre.
Châlon-sur-Marne, une nouvelle ère
Le 6 février 1945, l’Etat-Major de la 17th Airborne Division apprit que l’opération « Varsity » visait à établir une tête de pont sur la rive est du Rhin dans le courant de la deuxième quinzaine du mois de mars. Élément capital de cet assaut aéroporté, la division du quitter le Grand-duché de Luxembourg afin de s’y préparer. Ainsi, le 193GIR arriva à Châlons-sur-Marne le 11 janvier à 19h30. Les lourdes pertes provoquèrent notamment le démantèlement du régiment le 1er mars. De ce fait, Melvin intégra le Weapons Platoon, Easy Company, 194th Glider Infantry Regiment toujours comme second tireur d’un mortier de 60mm.
A son arrivée, il participa à l’aménagement des lieux, car rien n’était prévu. Le camp fut souvent boueux à cause de la météo capricieuse, mais elle ne fut jamais pire qu’auparavant. Melvin et tout son régiment logèrent alors dans des tentes pyramidales. Suite au froid des Ardennes, les pieds de Melvin étaient devenus tellement sensibles qu’il était obligé de dormir avec des chaussettes pour éviter le contact de la couverture en laine.
L’opération Varsity était considérée comme « Top Secret », mais les services de renseignements allemands étaient au courant dès le 10 mars ! Des troupes antiaériennes ennemies affluèrent vers la région de Wesel, sur la rive est du Rhin, en Allemagne, pour accueillir la 17th Airborne américaine et sa consoeur la 6th Airborne britannique.
Dès le 21 mars, Melvin fut transféré sur sa zone de rassemblement, l’aérodrome A-58 situé à Coulommiers près de Paris. C’était désormais officiel : le jour-J serait le 24 mars !
Melvin est à droite sur cette photo prise durant l'avance vers Münster.
Quelques jours après Varsity.
« Operation Varsity », combat au cœur du Reich
Le 24 mars 1945, Melvin Lagoon fut réveillé à 4h30 du matin et déjeuna d’un steak. Il prit place à bord d’un des 13 planeurs CG-4A « Waco » réservés à sa compagnie au sein du Serial A-9. Le décollage à destination de la « Landing Zone-S » située au nord-est de Wesel eut lieu à 7h30. Tiré en duo avec un autre « Waco », son planeur était au bout de la corde courte. Après un vol relativement serein dans des conditions météorologiques parfaites, le planeur fut pris pour cible et endommagé par la flak en passant au-dessus du Rhin.
Vers 10h30, malgré une mauvaise visibilité due au bombardement préparatoire, aux explosions, aux écrans de fumée artificielle, le planeur atterrit inaperçu près de la rivière Issel. Cette discrétion permit à Melvin et ses treize camarades de se regrouper sans encombre avec d’autres soldats. « C’est alors que j’ai remarqué qu’un éclat d’obus de Flak 20mm avait déchiré ma musette sans me blesser » se souviendra-t-il. La majorité du 2/194GIR se posa comme prévu, vers 10h30, à l’ouest de l’Issel. Sa mission fut de prendre et sécuriser le canal de l’Issel et ses ponts, cruciaux points de passage. Si la résistance ennemie sur la LZ-S prit fin à 11h15, les combats continuèrent aux alentours. Vers midi, le régiment était rassemblé à 75% et 3 heures plus tard, il tenait définitivement le terrain, bien que des tirs sporadiques de snipers perdurèrent jusqu’au lendemain. A 12h30, la E/194GIR fut placée en réserve du bataillon. Ce jour resta tragique pour Melvin Lagoon qui perdit, près d’une ferme, son camarade le Pfc, Clarence Putman avec qui il combattit en Belgique et au Luxembourg. Le soir même, le 2/194GIR occupait solidement ses positions devant Obrighoven, malgré 4 contre-attaques au cours de la journée.
Le 2/194GIR atterrit au centre de la LZ-S, près des maisons Rohler et Düden (carrefour de la Molkereiweg et de la Konrad Düdenstrasse), alors poste de commandement du 1052. Artillerie Regiment qui fut rapidement prisonnier. La F Co., sur le flanc gauche, captura le pont au croisement de la route B70 et du canal de l’Issel, puis progressa vers l’écluse au nord. La G Co. Se trouvait sur le flanc droit du bataillon, le long de la même route, près de la voie ferrée traversant Wesel. En soirée, c’est elle qui rencontra la 1st Commando Brigade britannique ayant franchi le Rhin plus tôt dans la journée. Vers 23h, elle du faire face à une contre attaque d’une vingtaine d’Allemands, d’un half-track et deux canons de 88mm. Un peloton de cette compagnie c’était avancé trop au-delà de la route et se retrouva isolée. Un squad de la E Co., occupant l’intervalle entre ses voisines, partit lui porter secours. Melvin se souvient que«toute la nuit, notre artillerie aéroportée pilonna les positions de la 84. Infanterie Division allemande avec une telle intensité que cela ressemblait aux feux d’artifice du 4 juillet.»Sa compagnie empêcha plusieurs tentatives d’infiltration ennemies qui laissèrent quelques chars et véhicules sur le terrain entre Lackhausen et Obrighoven. L’opération se termina le 25 mars à minuit. Les pertes furent plus élevées que prévues, mais l’Etat-major allié conclut à un succès ouvrant largement la voie vers le cœur de l’Allemagne.
La ruée vers l’est et la Ruhr
Le 2/194GIR quitta ses positions le 26 mars 1945 à 9h et progressa de 2.700 mètres vers le nord-est jusqu’à l’autoroute alors en construction. Melvin ne combattit pas ce jour-là, car sa compagnie fut en réserve. Sur le flanc gauche se tenait le 513PIR et, sur la droite, le 507PIR longeant la rivière Lippe. Dès lors, Melvin et les siens furent accompagnés par des chars Churchill britanniques de la 6th Guards Armored Brigade et des véhicules et canons du 605TD Bn. Les 27 et 28 mars, le bataillon parcourut environ 30 kilomètres et fit plusieurs centaines de prisonniers malgré une résistance soutenue devant le village de Lembeck. Le matin suivant, le 194GIR atteignit Dülmen pour y établir un périmètre défensif destiné à protéger la route d’approvisionnement et de communication de la division qui avançait très rapidement malgré les escarmouches. Même les cartes topographiques vinrent à manquer. Les déplacements se firent autant que possible en véhicules. Le 30 avril, le régiment bifurqua vers le nord-est en direction de la ville de Münster. Lors de leur progression, Melvin et ses compagnons bivouaquèrent et se ravitaillèrent dans dans des fermes bien que la nourriture chaude arrivait par camion ! En chemin, ils trouvèrent un trophée de guerre convoité : un grand drapeau nazi.
Le 31 mars, l 2/194GIR nettoya un bois au nord-est du village de Nottuln et, se situant alors à une quinzaine de kilomètres du centre de Münster, il continua sa progression le jour suivant pour se mettre en position d’attaque.
Le 2 avril, la prise en tenaille de Münster par le 194GIR au nord-ouest et le 513th PIR au sud-ouest, constitua le dernier combat auquel le Pfc Lagoon prit part avant l’encerclement de l’armée allemande dans la poche de la Ruhr. Le nombre croissant de prisonniers annonçait la proche fin de la guerre, partout la résistance s’effritait ! Malgré la prise de la ville fortement endommagée, des poches de résistance subsistèrent jusqu’au lendemain. Ce même jour Melvin participa à la libération d’un camp de travailleurs forcés russes et de prisonniers de guerres alliés. Le régiment fut ensuite rattaché à la 95th ID du 5 au 13 avril, la situation devint très calme.
Le 14 avril, Melvin arriva en camion à Mülheim, ville tombée aux mains du 507PIR quatre jours plus tôt. Commença alors pour lui le service d’occupation en Allemagne dont le but était de venir en aide aux prisonniers de guerre, aux travailleurs forcés et à la population. Il s’installa avec ses camarades dans des maisons réquisitionnées, ce qui rehaussa son moral suite aux dures épreuves traversées. La capitulation allemande, le 8 mai, soulagea tous les hommes du régiment. Dès lors, et jusqu’en juillet, Melvin effectua des missions de maintien de l’ordre. En tant que policier militaire, accompagné de son camarade Harold Osbom, il fut notamment chargé de garder des ponts et de fouiller des habitations et autres bâtiments à la recherche d’armes et de munitions.
Cette période lui permit de récolter quelques petits souvenirs comme des pièces de monnaie, des pendentifs divers, une paire de jumelles et une petite collection de photographies prises avec l’appareil qu’il avait acheté. Un jour, ses camarades trouvèrent des caisses en bois remplies de bouteilles de champagnes. « C’était comme boire du soda 7up, mais quel coup de fouet ! Tous ceux qui en burent ne sentirent aucune douleur ! Un officier arriva et emporta les bouteilles restantes qu’il partagea certainement avec d’autres gradés. »
Les beaux jours du printemps furent mis à profit pour faire du kayak sur la rivière et pour assister ou participer aux compétitions sportives entre unités, activités destinées à occuper les hommes.
Le drapeau Nazi. Melvin prend la photo.
Service MP à Mülheim avec son ami Harold Osbom.
La fin d’une épopée
A la fin juillet 1945, Melvin quitta Mülheim pour Lunéville, où il séjourna pendant quelques jours avant son transfert final vers Le Havre. Parce qu’il n’avait pas assez de points pour être démobilisé, il fut transféré à la Compagnie C du 517th PIR, unité rattachée à la 13th Airborne pour aller combattre les Japonais dans le Pacifique. Le voyage vers le port, en wagons « 40x8 », se déroula bien, de la paille jonchait le sol, de l’eau et des rations avaient été distribués. Lors d’un arrêt, ils rusèrent et trouvèrent des conserves de fruits dans un dépôt ferroviaire et soutirèrent du vin d’un wagon-citerne stationné à proximité. Le 13 août 1945, le SS Oneida Victory embarqua Melvin à destination de New-York qu’il atteignit le 22 août avant de passer une nuit à Fort Dix, New Jersey, et enfin pouvoir retrouver les siens lors d’une permission de trente jours. Le jeune vétéran retourna à Saint-Paul où il retrouva sa famille et ses amis. Melvin et Jane se marièrent à White Bear Lake le 1er septembre 1945. Le lendemain, l’annonce de la capitulation japonaise dissipa les craintes du jeune marié, il n’aurait plus à combattre. Après sa permission, Melvin fut caserné à Fort Bragg, North Carolina et à Camp McCoy, Wisconsin, où il fut démobilisé le 19 décembre 1945.
Après la guerre, Melvin Lagoon trouva un emploi dans le civil et acheta une maison à White Bear Lake. Au cours des années qui suivirent naquirent Donald, Diane, Daniel et Darlene. Le couple habita également à Saint-Paul, Minnesota, Salt Lake City et Bountiful, Utah, avant de se fixer à Boise, Idaho où il réside depuis 1995. Melvin exerça aussi trois autres métiers et s’installa même à son propre compte.
Le Pfc Melvin Lagoon est récipiendaire des décorations suivantes : Glider Badge, Parachutist Badge, Combat Infantryman’s Badge (1er octobre 1945), Bronze Star Medal, Good Conduct Medal (6 novembre 1944), American Theater Medal, European-African-Middle Eastern Theater Medal, with one Bronze Arrowhead and three Bronze Stars, Victory Medal. Melvin servit d’abord aux Etats-Unis pendant 16 mois et 5 jours, puis 1 an et 3 jours outre-mer, dont 17 jours de traversées transatlantiques aller et retour. Revenu aux Etats-Unis, il servit encore 3 mois et 29 jours jusqu’à sa démobilisation. Il fut engagé dans les campagnes « Ardennes-Alsace », « Rhineland » et « Central Europe ». De toutes les décorations qu’il a obtenues, Melvin est particulièrement fier de ses brevets « Parachutist » et « Glider » ainsi que du « Combat Infantry’s Badge » qui symbolisent pour lui son parcours militaire lors de la Seconde Guerre mondiale.
Melvin Lagoon lors de son grand retour en Belgique le 24 mars 2013.