Earl J Geoffrion 

A LA MEMOIRE

C'est avec beaucoup de tristesse que je dois vous faire part de la disparition de mon ami Earl Geoffrion. Il est décédé d'une crise cardiaque le 12 août 2013. N'oublions jamais ce que ce monsieur a fait pour nous. Merci Earl pour ton aide. Repose en paix mon ami.

Un tout grand merci à Earl pour avoir accepté de répondre à mes très nombreuses questions et pour m'avoir fournit les liens Internet pour compléter mes notes. J'espère te voir en Normandie, en 2014 pour les cérémonies des 70 ans.

  

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Earl Geoffrion est né à Toledo en Ohio le 16 avril 1918.

« Mon père, Adolph, s’est remariée parce que ma mère est décédé alors que j’étais tout jeune. Mes parents ont eu 12 enfants. J’étais étudiant en première année quand ma maman est décédée. J’ai donc arrêté mes études et travaillé dans une ferme à Grand Rapids, Ohio. J’étais le 4ème plus jeune. Aujourd’hui, ma sœur Lucile et moi sommes les derniers encore en vie.»

Earl grandit durant la grande dépression, une période difficile, mais malgré tout, Earl eu une enfance heureuse.

Son papa était chef d’équipe au département d’état pour le transport. Après ses études, Earl rejoignit également le département du transport.

« J’ai eu de nombreux emplois avant d’être engagé dans les chemins de fer à Tolède où j’ai travaillé en tant qu’ingénieur. Je conduisais des trains sur le trajet Chicago à Detroit et Cleveland jusqu’au moment où je fus engagé peu après l’attaque de Pearl Harbor. »

Durant sa vie civile, Earl est passionné de boxe. Il participa à la compétition Golden Glove en 1928.  Quelques temps après l’attaque Japonaise sur Pearl Harbor le 7 décembre 1941, Earl Geoffrion fut engagé.

« J’ai été envoyé au Camp Perry près de Toledo. En raison de mon expérience professionnelle, je suis devenu ingénieur militaire. Après un mois, j’étais près à partir pour l’Egypte où je devais y conduire des trains. En raison de mon expérience, on m’avait fait Tec-5th Grade, qui correspond à Caporal. »

Mais quelques temps avant d’être envoyé en Egypte, Earl prend une décision qui va changer toute sa vie militaire.

« J’ai vu une annonce où on cherchait des volontaires pour devenir parachutiste et où il y avait une prime de saut. J’ai demandé mon transfert. J’avais été promus avant ça, Sergent 4th Grade (Tec-4th Grade), mais mon commandant au génie à annulé parce qu’il était fâché que je parte chez les parachutistes. Je perdis mon grade de Caporal mais peu de temps après la formation de saut, on me renomma Tec-5th Grade, Caporal. J’ai porté les chevrons de Caporal, je n’aimais pas le terme « Tech » trop stigmatisé. »

Earl fut envoyé à la Compagnie A du 507th PIR avec qui il suivi la formation ardue des parachutistes.

« Des entraînements musclés, mais bons, avec de bons officiers Je ne me souviens pas des différents sauts, sauf des conditions météorologiques. Souvenez-vous que nous étions une génération connaissant la grande dépression, beaucoup de gars n’avaient jamais été dans un avion et on ne savaient pas à quoi nous attendre. J’ai pris l’avion 13 fois avant de sauter. Ce premier saut fut chaque fois annulé à cause de la présence de tornades.»

Durant cette période aux Etats-Unis, un incident ce produisit. Un soir, Earl se promenait en compagnie d’une jeune fille, la ramenant chez elle. Ils croisèrent un groupe de parachutistes de la compagnie F. Parmi ces gars quelques un cherchaient juste la bagarre. Insultant Earl et son amie. Earl s’approcha d’un des parachutistes lui demandant de répéter ce qu’il venait de dire. Il n’y avait pas moyen de raisonner le gars. Le combat était inévitable. Earl, Golden Gloves, le combat ne dura que quelques secondes. Earl frappa le gars sur le côté de la tête. Terminé. Les autres gars de la Compagnie F n’intervinrent pas quand ils virent les compétences de l’ancien boxeur.

Mais quelques jours plus tard, Earl est arrêté et envoyé dans une prison militaire à Fort Leavenworth durant 90 jours. Les parachutistes sont entraînés à ce battre, et le coup porté par Earl fut fatal au gars de la compagnie F.

Après 90 jours, Earl rejoignit son régiment, mais fut muté dans une autre compagnie. Il fut envoyé à la Service Company où il devint Parachute Rigger.

Le 23 novembre 1943, le 507th PIR est transféré au Camp Shanks et à Fort Hanilton dans l’état de New York avant d’embarquer sur le HMS Strathnaver et le Libertyship Susan B Anthony direction l’Irlande du Nord qu’elle atteignit en décembre. Le régiment fut attaché à la 82nd Airborne Division.

Durant cette période en Irlande et ensuite en Angleterre, l’entraînement reprend avec de nombreux sauts.

« Je faisait partie de la Service Company comme Parachute Rigger, mais ils cherchaient des volontaires pour sauter en Normandie et servir de garde du corps au Poste de commandement du régiment. Je fus un des volontaires et finalement je fus sélectionné. Nous étions sensés protéger le Colonel George V Millet. »

La mission comprenant aussi la démolition de voie ferrées et de ligne de communication, Earl suivit deux semaines d’entraînements aux charges de démolition et au tir au bazooka.

« Nous n'étions pas en contact avec les civils. J'ai souvent travaillé comme patrouille de récupération des parachutistes après un saut un peu comme un gars des MP de parachutistes. »

A partir du 28 mai 1944, les hommes furent placés au secret dans des zones de rassemblement. Le Jour-J approchait. Enfin au crépuscule du 5 juin, les parachutistes grimpèrent dans les C-47.

A 2h30, le 6 juin 1944, les premières coupoles des parachutes s’ouvrèrent sur la Normandie.

Earl et plusieurs de ses copains reçurent comme tâches de défendre le PC du 507th PIR.

« Le Colonel Millet n’a pas sauté près de nous. Je pense qu’il était dans le troisième avion et moi j’étais dans le premier. Le Colonel fut capturé le 3ème jour. »

« J’ai atterrit dans environ 1 mètre d’eau. La première personne que je vis fut le Général Gavin qui était à une quinzaine de mètre de moi. A partir de ce moment là, j’ai accompagné des hommes du 508th PIR où j’ai accompli des missions de destructions.»

Lors d’une de ses missions, il fut accompagné d’un parachutiste du 508th PIR avec le quel ils détruisirent une voie ferrée.

Un des objectifs de la division d’Earl était de tenir le pont enjambant le Merderet ainsi que la Chaussée à La Fière. Le pont avait déjà été sécurisé par des parachutistes de la Compagnie A du 505th PIR qui subirent plusieurs contra attaque Allemandes (voir biographie Robert « Bob » Murphy-505th PIR).

Mais au soir du 7 juin, il fallait absolument pousser les Allemands en direction de Cauquigny et d’établir une tête de pont de l’autre côté du Merderet. Earl fit partie de la Compagnie du Capitaine Bob Rae. Earl passa les premières heures de ce 8 juin 1944 dans un foxhole situé près de la chaussée de La Fière. Au environ de 3h du matin, il fut attiré par une voix appelant au secours d’un soldat blessé situé quelque part de l’autre côté du Merderet. Earl parti trouvé son commandant, le 1st Lieutenant Rufus Broadway lui disant qu’il tenait à aller voir ce que c’était. A deux, ils se dirigèrent vers la ligne de front, demandant aux soldats de ne pas tirer. Ne gardant que son pantalon, Earl pénétra dans l’eau froide recouverte d’une légère brune. Il ne voyait pas le blessé et fut surtout inquiet de la présence de la lune. Il offrait une cible parfaite pour un sniper Allemand. Après avoir nagé sur quelques mètres, il tomba sur 3 parachutistes blessés. Ils avaient besoin de soins médicaux immédiats. Earl prit un homme sur son dos et nagea vers ses lignes et les infirmiers qui attendaient sur la rive. Il laissa le blessé aux bons soins des médics et dit qu’il y avait deux autres gars qui avaient besoin d’aide. Le Sergent Nash qui était également présent offrit ses services. A deux ils retournèrent vers les blessés et les ramenèrent vivant.

Pour leur bravoure tout deux seront recommandés par le Lieutenant Broadway pour être décoré de la Médaille du Soldat.

Voici la citation signé par le Major Général Ridgway et le Lieutenant Colonel Gordon K Smith :

Earl J Geoffrion, 35283820, Technicien Fifth Grade, 507th Parachute Infantry, pour son extraordinaire héroïsme n’ayant pas trait à un combat réel avec l'ennemi, le 8 juin 1944 à proximité de La Fière en France. Apprenant que deux soldats blessés sur la rive opposée de la rivière Merderet avaient sérieusement besoin de premiers soins. Le Technicien Fifth Grade, Geoffrion, sans ce soucier du danger pour lui même, pataugeant dans l’épais marais et nagea, traversant la profonde rivière pour rejoindre ses camarades. Rapidement, il administra les premiers soins qui sauvèrent probablement la vie de deux soldats blessés. L’action désintéressée et héroïque du Technicien Fifth Grade Geoffrion est digne d'être imité.

 

Le lendemain, 9 juin 1944, le Général Gavin donna l’ordre d’une attaque de l’autre côté de la rivière Merderet en passant par l’unique pont et la chaussée à La Fière et en direction de Cauquigny.

Le 325th GIR mena l’attaque, mais l’assaut s’enlisa et s’arrêta suite aux nombreuses pertes.

Le 507th PIR reçut l’ordre de traverser les lignes 325th GIR et de  reprendre l’assaut sur la chaussée en direction de Cauquigny. Earl attendait avec plusieurs autres soldats derrière un mur entre le manoir et la grange, le signal de l’assaut. Il allait être un des premiers à s’élancer.  

« On devaient sauter par-dessus les blessés et éviter de marcher sur les morts éparpillés sur la petite chaussée sinueuse. Certains hommes ont réussi à ramper sur le côté de la chaussée où plongèrent dans les champs inondés des deux côtés de la chaussée. »

Les hommes furent accueillis par les tirs des armes Allemandes : armes légères, grenades, mitrailleuses et artilleries. La route était jonchée de véhicules détruits, de cadavres, de blessés et ceux qui étaient figés par la peur, un véritable chaos. Earl eu le courage de courir de l’un à l’autre, de les exhorter à se lever et à continuer d’avancer et ce au mépris des tirs ennemis.

« Après avoir traversé la chaussée, je me souvient qu’une balle toucha mon arme qui se brisa me projetant dans un foxhole au dessus d’un Allemand mort. Quelques fragments me touchèrent au niveau du genou. N’ayant plus d’arme, je pris la MP40 de l’Allemand mort et je poursuivis l’attaque. Cependant, l’arme avait un son distinctif. Et de peur d’être prit pour un ennemi, je la lâchais. Un autre GI me donna un fusil et je pus continuer d’attaquer. Les Allemands avaient creusés leurs positions dans un cimetière. J’ai tiré sur un officier Allemand qui sortait de son foxhole. Tout s’est passé très rapidement.»

Des années plus tard, Earl apprit qu’il avait été recommandé par son chef de peloton, le 1st Lieutenant Rufus Broadway pour être décoré de la Silver star. Mais les papiers furent perdus. Enfin, le 24 février 2012, soit 67 ans plus tard, l’erreur fut réparée, et Earl Geoffrion fut décoré de la Silver Star.

 

1st Lieutenant Rufus Broadway avec Earl Geoffrion

 

Les combats se déroulèrent jusqu’à la prise du village de La Motey. La tête de pont fut établie avec succès.  Le 10 juillet, Earl fut envoyé dans une station de secours. Un médecin examina son genou ainsi que sa cheville bandé. En raison de sa blessure et de sa mobilité réduite, il fut affecté à une unité s’occupant de l’enregistrement des tombes.

«Nous devions ramasser tous les soldats morts en premier et ensuite les disposés dans un bois. J’examinais tout le monde parce que je voulais voir si c’était un de mes amis. C’était terrible. La pire chose que j’ai eu à faire ce fut de m’occuper de 12 soldats qui s’étaient noyés. »

Il resta dans cette unité environs deux semaines. Chaque parachutiste fut enveloppé dans son parachute de secours avant d’être enterré. Les soldats Allemands furent enterrés, mais bien après. Ils n’étaient pas prioritaires.

Le 12 juillet 1944, le 507th PIR quitta la Normandie et retourna en Angleterre. Le régiment combattit 36 jours et subit 938 pertes, morts, blessés et disparus.

De retour en Angleterre, Earl et le Sergent Nash reçurent leurs Soldiers Medal des mains du Général Howell.

« Nous étions alignés quand on nous remîmes la décoration. Puis, nous avons été positionnés en face de la tribune et la 82ème Division dans son entièreté défila devant nous, nous saluant. »

 

Earl Geoffrion sert la main du Général Howell le jour de la remise de sa médaille.

 

Quelques temps plus tard, le régiment fut affecté à la toute nouvelle 17th Airborne Division au grand damne des vétérans qui ne voulaient pas quitter la vétérante 82nd Airborne de Normandie.

« Nous étions tous très déçus. Nous avions pensés rester de façon permanente avec la 82nd Airborne. »

Durant cette période, les hommes continuèrent à s’entraîner, et firent plusieurs sauts. Comme avant la Normandie, Earl servit comme « MP Parachutistes » pour récupérer les soldats après le saut.

Depuis novembre 1944, Montgomery planifie une opération aéroportée pour janvier 1945 de l’autre côté du Rhin. Pour ce faire, la Rigger Company d’Earl fut envoyé en France, au Nord-est de Paris pour préparer cette opération.

Mais le 16 décembre 1944, les Allemands bouleversent les projets de Montgomery.

Earl est toujours en France alors que la 17th Airborne Division est au front. Quand ils eurent besoin de renfort, Earl et ses camarades grimpèrent dans camion et se dirigèrent en toute hâte vers la région de bastogne.

Plus tard, alors que la division stationne le long de la frontière du Luxembourg avec l’Allemagne, Earl et ses camarades sont à nouveau renvoyés en France pour préparer l’opération Varsity.

Earl prépara les parachutes de ses camarades ainsi que différentes questions de sécurité, mais il e sauta pas sur l’Allemagne. Il rejoignit son unité en Allemagne. Earl traversa l’Allemagne et vit les derniers combats à Duisburg.

A la fin de la guerre, la 17th Airbone sert de troupe d’occupation dans la région d’Essen, le 507th PIR occupa la ville.

Ensuite, la division fut choisie pour être la division point élevée. Les hommes furent envoyés dans les différentes unités Airborne tandis que les vétérans des autres unités qui avaient assez de point pour être démobilisé, furent envoyés à la 17th Airborne.

Earl fut envoyé à la 101st Airborne Division qui devait partir combattre dans le Pacifique. Les deux bombes atomiques mirent fin à la guerre.

Earl quitta l’Europe le 11 octobre 1945 et arriva aux Etats-Unis le 11 novembre 1945 et il fut démobilisé le 15 novembre 1945.

A son retour chez lui, Earl retourna travailler dans la compagnie de chemin de fer d’où il prit sa retraite à l’âge de 67 ans. Il se maria avec Matilda une femme 100% italienne.

Ils eurent une fille. Aujourd’hui, ils ont 3 petits-fils et 2 arrières petits-enfants.

Aujourd’hui Earl vie paisiblement  à Oregon dans l’Ohio. Il aime pêcher et joue au golf depuis ses 70 ans. Il joue aussi au NASDAQ.

Depuis la fin de la guerre, Earl est revenus à de nombreuse reprise en Europe.  « Mais j’ai dû attendre 50 ans avant de pouvoir revenir. »

Enfin, comme ultime gratitude de l’Europe pour son service, le 16 avril 2007, Earl Geoffrion est décoré de la Légion d’Honneur.